De lourdes peines. Au terme d'un procès pour le moins absurde, le docteur Kamel Eddine Fekhar a été condamné par le tribunal criminel de Médéa à cinq ans de prison, dont dix-huit mois ferme, et une amende de 50 000 DA. Son coaccusé, Benabdellah Abdellah, quant à lui, a écopé de trois ans de prison, dont 18 mois ferme. Une sentence qui a surpris tout le monde au regard des débats qui ont marqué l'audience. Si Benabdellah quittera définitivement la prison pour avoir purgé sa peine en détention provisoire, Fekhar, lui, va y rester encore, même s'il a déjà passé 22 mois en détention. Il sera jugé aujourd'hui par le même tribunal dans une autre affaire avec une quarantaine de détenus de la vallée du M'zab. Durant sa détention provisoire, il y a une période qui chevauche avec l'affaire liée au dossier d'aujourd'hui. Durant le procès sous haute surveillance policière qui a duré toute une journée, Kamel Eddine Fekhar a nié toutes les accusations qui pesaient contre lui. Assis sur une chaise en raison de sa difficulté à se tenir debout, le «héros mozabite», comme le surnomment ses amis, s'est montré solide, lucide, assumant totalement ses engagements politique, citoyen et de militant des droits de l'homme. Face au président du tribunal et du représentant du ministère public, il affirme «Mon rôle était d'alerter, de lancer des SOS, j'ai sollicité l'intervention des autorités civiles et les forces de sécurité d'agir pour mettre un terme aux violences avant qu'il ne soit trop tard. Je me retrouve accusé d'être l'instigateur de la discorde...» «Dans cette affaire, je suis la victime, et je me retrouve en prison depuis près de deux ans, ma famille est disséminée», lâche-t-il. Visiblement affecté par l'insoutenable situation dans laquelle il se trouve depuis 22 mois, il craque. Il verse des larmes. Moment de forte émotion dans la salle d'audience. Mais il se reprend vite et ses forces reviennent. Il s'interroge : «Pourquoi la justice ne convoque pas l'ex-secrétaire général du FLN Amar Saadani qui avait accusé l'ex-patron des services du renseignement, le général Toufik, d'être ''le vrai instigateur'' des événements de Ghardaïa ?» Après une matinée consacrée aux débats, l'après-midi le réquisitoire du procureur général a tourné à l'apologie du pouvoir politique, reprochant notamment à Fekhar ses opinions politiques. «Je vous invite à revoir vos opinions, revenez à la raison», lance le procureur qui a requis 10 ans de prison ferme. Un réquisitoire taillé en pièces par les avocats de la défense. «Je suis devant un procureur du pouvoir et non pas un procureur général», réplique Salah Debouz, qui ajoute fermement que le dossier est «vide». «Nous sommes sommés de trouver des preuves de l'innocence des deux accusés parce que l'instruction n'a pas pu trouver de preuves de leur culpabilité.» Lui emboîtant le pas, Mokrane Aït Larbi n'a pas hésité un instant à dénoncer «un procès politique. Ceux qui assument d'être des chiyatine (brosseurs) gouvernent le pays, et ceux qui défendent les droits de l'homme sont jetés en prison. Dans ce pays, celui qui ne dit pas chaque matin ''fakhamatouhou'', sa place est en prison», s'insurge-t-il.