L'Algérie, un vecteur de stabilité dans la région    Les acteurs de la société civile dénoncent les propos et les campagnes hostiles à l'Algérie    Guichet unique et instances d'importation et d'exportation : transparence des investissements et renforcement de la place économique de l'Algérie    Les meilleurs projets associatifs au service des personnes aux besoins spécifiques récompensés    Championnat d'Afrique de football scolaire 2025: les Algériens fixés sur leurs adversaires    Décès du membre du Conseil de la nation Walid Laggoune: Boughali présente ses condoléances    Formation professionnelle: lancement des éliminatoires des "Olympiades des métiers" dans les wilayas du Sud    Ligue 1 Mobilis: JSS - USMA décalé au samedi 26 avril    Décès du pape François: le président de la République présente ses condoléances    Le 1er salon national de la photographie en mai à Béni-Abbès    Lutte contre la désinformation: l'UA salue l'engagement constant de l'Algérie en faveur de la paix et de la sécurité en Afrique    Ouverture à Alger du "ICT Africa Summit 2025"    Constantine : clôture de la 14e édition du Festival culturel national de la poésie féminine    Djamaâ El-Djazaïr : nouveaux horaires d'ouverture à partir de lundi    Ghaza : le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 51.240 martyrs et 116.931 blessés    Palestine : des dizaines de colons sionistes prennent d'assaut l'esplanade d'Al-Aqsa    L'ESBA à une victoire du bonheur, lutte acharnée pour le maintien    Femmes et enfants, premières victimes    Retailleau ou le « quitte ou double » de la politique française en Algérie    15.000 moutons accostent au port d'Alger    Les lauréats des activités culturelles organisées dans les écoles et collèges honorés    Les bénéficiaires de la cité 280 logements de Kheraissia inquiets    Tirer les leçons de la crise de 1929 et celle de 2008    Diolkos, le père du chemin de fer    L'étau se resserre !    Réunion d'urgence FAF: Présidents des clubs de la ligue professionnelle mardi    Formation professionnelle : lancement des qualifications pour les Olympiades des métiers dans les wilayas de l'Est du pays    «Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    Les enjeux des changements climatiques et de la biodiversité débattus    Des matchs à double tranchant    Mobilis : Les médias à la découverte de la 5G    Nessim Hachaich plante les couleurs nationales au plus haut sommet du monde    Rencontre sur les mécanismes de protection    L'Institut d'agriculture de l'Université Djilali-Liabes invite les enfants de l'orphelinat    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    La Coquette se refait une beauté    Un rempart nommé ANP    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Règlement de contes
Parution. «Camus» par Salah Guemriche
Publié dans El Watan le 27 - 05 - 2017

Le centenaire d'Albert Camus, en 2013, avait donné lieu à de nombreuses publications en tous genres.
Les auteurs algériens n'ont pas été en reste avec un roman signé Salim Bachi (Le dernier été d'un jeune homme) et le fameux Meursault contre-enquête qui a propulsé la carrière d'écrivain de Kamel Daoud. La même année, Salah Guemriche dévoilait son essai-fiction, Aujourd'hui Meursault est mort, rendez-vous avec
Albert Camus. Sans être un pamphlet, ce texte tissé de faits réels et imaginaires avec de nombreuses citations de Camus est sans concession devant les tergiversations de l'auteur de L'homme révolté durant la colonisation. Il propose également une lecture de L'Etranger à la lumière du contexte historique. Ne trouvant pas d'éditeur en France, l'ouvrage sera publié dans un premier temps en version numérique. Il est désormais disponible en version papier publié par l'éditeur algérien Frantz Fanon.
Pourquoi écrire encore aujourd'hui et publier des livres sur un petit roman sorti en 1942 dont l'auteur est mort depuis 57 ans ? Précisément parce qu'un roman a plusieurs vies et que L'Etranger lu par l'Académie du prix Nobel n'est pas L'Etranger lu par Edward Saïd ou encore par Michel Onfray… Ainsi, si Salah Guemriche donne la parole au fils de l'Arabe dans son essai-fiction, c'est pour dire tout autre chose que ce que dit Kamel Daoud dans Meursault contre-enquête. Le problème que pose Guemriche, à travers son personnage de Tal Mudarab, fils de l'Arabe, est le suivant : le meurtre de l'Arabe est-il simplement imputable à l'absurdité de l'existence ? Si Daoud prolonge la perspective de la philosophie de l'absurde pour revisiter l'histoire et l'actualité de l'Algérie, Guemriche choisit d'évacuer le postulat de l'absurdité pour lire Camus à la lumière de son vécu.
Dans ce long dialogue implicite, le fantasque et pertinent descendant de l'Arabe œuvre à démontrer à «Albert de Belcourt» que le soleil ne tue pas toutes les questions. L'absurde n'évacue pas pour lui le sens historique de ce meurtre. L'Arabe de Guemriche a quitté Constantine en mai 1945. Ce mois où beaucoup d'autres Arabes se faisaient tuer dans l'impunité totale. Loin d'être le bras armé du hasard, Meursault a «du sens sur les mains», martèle le personnage de Guemriche. Il aborde ce crime fictionnel comme une expression de la déshumanisation rationnelle théorisée par Frantz Fanon.
Dans la suite d'Edward Saïd (célèbre critique palestinien qui a déconstruit la pensée coloniale dans L'Orientalisme), Guemriche aborde la fiction comme une œuvre de l'esprit qui nous renseigne sur les représentations de l'auteur. A travers l'auteur, c'est aussi et surtout les lecteurs qu'il interpelle : comment aurait-on lu L'Etranger si Meursault avait tué un Juif au lieu d'un Arabe ? La question a de quoi déranger. Et ce n'est pas un hasard si Mudarab, qui signifie «initié» en arabe, est l'anagramme de Bardamu, personnage principal du Voyage au bout de la nuit de Louis Ferdinand Céline. Le fils de l'Arabe est malicieusement désigné par le diminutif de «Tal Mud».
S'agit-il pour autant de confondre Meursault et Camus, de faire le procès de l'écrivain après celui du personnage ? L'ouvrage marche sur le fil de cette confusion. «Sans vous, je n'existerais pas», avoue tout de même Tal Mudarab. Ainsi l'essai donne aussi toute sa part à la fiction. Si la philosophie et les prises de position de Camus sont critiquées, son talent d'écrivain est largement salué. Aujourd'hui Meursault est mort est en ce sens un hommage à l'œuvre de Camus. On y voit les personnages se mouvoir et leurs propos repris. La technique du dialogue implicite (utilisé par Camus dans La Chute) est aussi adoptée par l'auteur.
En même temps qu'un hommage, c'est aussi une astuce pour déjouer une difficulté : «On m'a interdit de vous appeler par votre nom, voire : je n'ai pas le droit de rapporter vos propos en direct».
Dans le chœur des lecteurs de Camus, Guemriche a le mérite de placer une voix algérienne singulière. Une lecture à partir d'un Alger sublimé par mille et une anecdotes que les lecteurs d'Alger la blanche (biographie de la ville signée par Guemriche et parue chez Perrin et Barzakh en 2012) retrouveront avec plaisir. Natif de Guelma en 1946 et vivant en France depuis 1976, Salah Guemriche s'efforce de faire entendre un autre son de cloche concernant les rapports entre le nord et le sud de la Méditerranée.
On retrouve le dialogue sans concession ni ressentiment qu'il mène avec Camus dans ses ouvrage précédents, à l'image d'Un amour de djihad ; Abderrahmane contre Charles Martel ; Le Christ s'est arrêté à Tizi-Ouzou, ou encore dans son excellent Dictionnaire des mots français d'origine arabe paru en 2007 avec une préface d'Assia Djebar qui continue encore à inspirer beaucoup d'auteurs.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.