Organisé sous les auspices de la télévision algérienne, cet hommage a rassemblé les anciens élèves du défunt et les invétérés de la musique châabie. La salle était archicomble pour la circonstance. Un grand portrait du maître faisait face à la scène. A droite, un écran plasma est installé où des images défilent pour témoigner de la prestance du maître en concert dans les années soixante. L'émotion était à son paroxysme. Des souvenirs ressurgissent des mémoires. La plupart des « ankaouiyas » sont impatients de s'enivrer de la musique des élèves de Hadj M'hamed El Anka. Le premier à conquérir la scène sera le chanteur Omar Boudjemia lequel enchantera l'assistance par un « istikhbar » suivi de Mi el ghâam et Haramtou Nouâassi. Kamel Ferdjellah prend le relais en exécutant Ya hbabi salou aâla el-nabi suivi de Ya ahle ezzine el fassi. Le quatrième à monter sur scène sera H'cicène Saâdi. Avec talent et aisance, il se lancera dans une rythmique qui laisse deviner des titres fort connus et très chers au regretté El-Anka : Koul min el yatim et Min indahoum bil djawab. Ensuite,ce sera au tour de Abdelkader Chercham d'assurer en exécutant la célèbre qaçida Lalla Zhor suivi de Ya ahle ezzine el-fassi. Le fils du défunt, El-Hadi El Anka, quant à lui, reprendra l'incontournable chanson L'hamam elli waleftou m'cha aâlia. D'une voix éraillée, El-Hadi ajoutera quelques phrases clés dans son texte pour mettre en avant-plan les qualités de son regretté père. Des youyous et des applaudissements retentissent dans la salle. La soirée s'est clôturée par un autre prestigieux élève d'El Anka, à savoir Mehdi Tamache. Dès que ce dernier fait son apparition sur scène, le public est impressionné par la ressemblance frappante avec le phénix. Vêtu d'une kachabia noire, d'un foulard noué autour du cou, d'une chéchia stamboul grenat et d'une paire de lunettes noires à double foyer, Mehdi Temache gratte sur sa guitare. Dès les premières notes, les mordus de châabi mettent le nom sur la chanson. Il s'agit de Soubhane Allah y a l'tif. Un titre qui met en exergue les qualités du créateur. Au bout de deux heures de prestation, les anciens élèves d'El Anka se sont quittés dans l'espoir de se revoir bientôt pour un autre concert de châabi. En aparté, la plupart d'entre eux se sont dit émus par cette soirée. Ils ont vanté les mérites de leur maître qui a su leur inculquer l'amour de cette musique éternelle. Enseignant au conservatoire d'Alger, Omar Boudjemia affirme que cette soirée lui a rappelé les moments merveilleux passés en compagnie du maître. « Pendant toute la durée de cet hommage, j'ai eu l'impression que son âme planait parmi nous. Notre contribution n'est qu'une goutte dans l'océan. Nous essayons nous, ses élèves, de perpétuer le legs qu'il nous a laissé ». A son tour, Abdelkader Cherchem dira : « Nous, ses anciens élèves, sommes le fruit de la graine qu'a semée El Anka. Son travail n'a pas été vain puisque ses œuvres sont demandées par tous les âges ». H'cissène Sâadi, quant à lui, a évoqué la rigueur du travail de son défunt professeur : « Il était modeste et attentionné à la fois. Je suis très ému de lui rendre cet hommage ce soir. Il est difficile de parler de lui aujourd'hui tant ses qualités étaient abondantes. Il nous a laissé comme des orphelins. L'oublier est pratiquement impossible. » Abondant dans le même sens, Mehdi Tamache a tenu à préciser que le « sang » d'El Anka coule dans ses veines. Il est content de constater aujourd'hui que le châabi reprend sa place, celle qu'il n'aurait jamais dû quitter. « Le maître nous a transmis un précieux savoir que nous devons, à notre tour, transmettre à la génération montante. Je suis confiant, la relève est bien assurée. Contrairement à d'autres musiques, le châabi ne se démodera jamais », ajoute-t-il. Au delà de cette soirée hommage, il est nécessaire encore une fois de souligner que le « phénomène » El Anka est bien incrusté dans les mœurs. Il est certain que la musique chaâbie est assurée d'avoir une relève à même de perpétuer ses lettres de noblesse.