Cette célébration du 80e anniversaire du maître de la musique andalouse a été placée sous les auspices du ministère de la Culture. Un ministère qui entend, depuis quelques mois, consacrer certains artistes pour leur talent incommensurable. Etaient présents à ce rendez-vous la ministre de la Culture, Khalida Toumi, ainsi que certaines figures du cinéma et de la musique dont Sid Ali Kouiret, Mohamed Lamari et Bahia Rachedi. Ainsi, la salle Ibn Zeydoun avait du mal à contenir tous les mélomanes de ce genre musical. Les cartes d'invitation ont été distribuées de façon anarchique. Preuve en est : les agents de la sécurité ont eu un mal fou à expliquer à certains que la salle ne pouvait plus contenir de convives. Les portes ont dû se refermer en laissant un monde impressionnant dehors, faisant le pied de grue. C'est vers 17h que le coup d'envoi de la manifestation est donné par la zorna. L'animatrice Amina Belouizdad a évoqué, dans un long discours, le talent de Sid Ahmed Serri en s'attardant sur son riche parcours artistique. La scène de la salle Ibn Zeydoun est, tout de suite après, envahie par l'ensemble de la classe supérieure de l'association Al Anadil de Chéraga (les Rossignols d'Alger), et ce, sous la direction de Youcef El Ouaznadji : celui-ci était un des anciens élèves de Sid Ahmed Serri. Les jeunes musiciens en herbe, habillés en tenues traditionnelles pour les filles et en costumes pour les garçons, ont interprété durant trois quarts d'heure un bouquet musical enivrant. Citons parmi cette sélection de titres El Rabie Akbal nouwal, Goulou liladi, Ya Farid el asri, Ya rounouma, Ya badir El Hassen, Ladi Charabou el achia, Lana el awadil, Ya kayt el makssoud, Ya Nassim el rawadi et Roudoum habibi. La ministre de la Culture est sollicitée sur la scène pour un traditionnel discours. Après s'être excusée auprès du monde qui n'a pu rejoindre la salle, Khalida Toumi brossera un des plus élogieux portraits du maître. « Nous souhaitons une longue vie à cette école de la musique algérienne. Le phénomène Serri continue de susciter des mélomanes. Sid Ahmed Serri est à lui seul un monument en Algérie. Son nom est une référence tout comme l'est Sidi Abderrahmane ou encore Dar El Soltane », dit-elle. La ministre a donné rendez-vous aux présents en 2007, année où sera décrétée Alger, capitale de la culture arabe, pour un autre prestigieux concert avec Sid Ahmed Serri. Il faut, insiste-t-elle, que l'Unesco reconnaisse la musique andalouse comme une musique universelle. La deuxième partie de la soirée est ponctuée par l'incontournable présence de Sid Ahmed Serri sur scène. Seize de ses anciens élèves, dont entre autres Noureddine Saoudi et Brahim Belladjrab, prennent place. Avec la classe qu'on lui connaît, Sid Ahmed Serri fait son apparition sous des salves d'applaudissements et des youyous nourris. Tout le monde se lève pour saluer cette mémoire vivante de la musique andalouse. D'un pas mesuré, l'artiste rejoint son siège. Il ajuste son instrument musical ainsi que son pupitre. Arborant un sourire gracieux, il donne le la à ses fidèles élèves. Les instruments musicaux traditionnels s'ébranlent tantôt à l'unisson tantôt en solo. Sid Ahmed Serri se lance dans l'interprétation de morceaux choisis de la nouba El Ghrib. Une nouba chère à son regretté maître Abderrazek Farekhadj qui avait un réel plaisir à écouter le jeune Serri l'interpréter. D'une voix chaude et cristalline à la fois, Sid Ahmed Serri charmera l'assistance avec son talent avéré. En effet, les présents ont été éblouis par les cordes vocales du chanteur, qui ont gardé le même cachet d'antan. Pendant que Sid Ahmed Serri était en pleine interprétation, un sexagénaire se lève de son siège. Il lance énergiquement : « Bravo, Monsieur Sid Ahmed Serri. » Cet éloge est suivi par un tonnerre d'applaudissements. Après la nouba El Grib, Sid Ahmed Serri s'excuse auprès de son auditoire pour venir présenter un aroubi intitulé Damri Djarra, qui selon lui, est un genre qui a tendance à disparaître du répertoire andalou. « Je veux le faire ressusciter au grand bonheur des invétérés », dit-il. Après une demi-heure de totale bonheur, l'artiste récidive, en interprétant un deuxième délicieux aroubi Nafer min hawit, suivi d'un khlass. En somme, cette soirée a permis à plus d'un de redécouvrir une voix performante qui, ces dernières années, s'est tue pour des raisons involontaires. En attendant de revoir le maître Sid Ahmed Serri sur scène, souhaitons-lui un joyeux anniversaire pour ses 80 ans.