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Un philosophe immergé dans la vie
Colloque international sur Jacques Derrida
Publié dans El Watan le 25 - 11 - 2006

De très nombreux intervenants, venus d'Europe, d'Amérique et du monde arabe, s'attacheront, avec des intervenants algériens, durant les deux journées de ce colloque international, à décliner toute la contemporanéité de Jacques Derrida et la considérable influence que sa pensée continue d'exercer dans le monde.
Ce rayonnement des idées de Jacques Derrida explique sa dimension de philosophe hors norme et pour tout dire transfrontalier de la pensée au point que toute la planète intellectuelle le revendique actuellement à juste titre. Ce n'est pas un hasard si les organisateurs du colloque international consacré à Jacques Derrida ont associé des philosophes issus d'écoles de pensée aussi diverses que celles du Brésil, de l'Egypte ou des USA, sans que cela ne restitue de manière définitive toute la problématique philosophique induite dans et par l'œuvre de Jacques Derrida. La démarche des organisateurs de ce colloque international est d'une évidente ambition : celle d'élever les débats à hauteur des innombrables pistes que peut proposer la vaste production de Jacques Derrida sans tomber dans le raccourci. Jacques Derrida est à cet égard un philosophe totalement immergé dans la vie. Il avait, en fait, cette préoccupation que sa discipline soit en corrélation avec la société réelle. Pour cela, Jacques Derrida avait entrepris, en produisant le concept de déconstruction, une pénétrante introspection des textes fondateurs de la philosophie dont il a pu faire l'exégèse autant que la critique. Une entreprise toujours articulée autour de cette question récurrente : à quoi sert la philosophie ? A rendre l'humanité meilleure sous réserve d'être accessible. Cette quête exigeante de ce qui pourrait être une philosophie de terrain prend, chez Jacques Derrida, le contre-courant d'une philosophie devenue ésotérique à force d'avoir été captive de chapelles. Ce positionnement était, de sa part, de nature éminemment politique. Encore très jeune, Jacques Derrida avait pris ses distances avec une dérive élitaire de la philosophie qui le conduira à s'expatrier, dans les années cinquante, aux Etats-Unis et précisément à l'université de Harvard où son enseignement échappera aux idées reçues. Il atteint à peine la trentaine lorsqu'il devient directeur d'études, aux côtés de Louis Althusser, de l'Ecole normale supérieure, dont il avait été l'élève. Dans l'exercice de ces fonctions, il avait été surnommé le « Caïman », marque édifiante de son autorité professionnelle. Pour autant, Jacques Derrida ne se voulait surtout pas un gourou dont la stature personnelle l'autorisait à susciter des cénacles et à les régenter. Jacques Derrida avait engagé le processus de déconstruction de la philosophie alors que le champ de cette discipline était dominé par des courants aussi forts que le structuralisme ou l'existentialisme. S'érige-t-il pour autant en concurrent de ces écoles de pensée ? Sans doute pas, car il entrevoyait, pour son propre compte, la dimension pédagogique des idées qui aident à expliquer et à comprendre la marche du monde. D'une certaine manière, il décernait à la philosophie une mission de service public. Et cela a justifié son intérêt pour les faits littéraires ou pour les domaines complexes de la psychanalyse. C'est cette personnalité attachée que le colloque international d'Alger met en lumière.
Colloque international « Sur les traces de Jacques Derrida », 25-26 novembre 2006, à la Bibliothèque nationale d'Alger


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