L'ambition initiale de la chaîne de télévision Al Jazeera était de contrecarrer le flux des infos des puissants médias occidentaux (CNN…), mais elle a fini par ouvrir ses plateaux aux islamistes radicaux. La crise qui a éclaté entre l'Arabie Saoudite et le Qatar nous renvoie directement à Al Jazeera. Cette chaîne de télévision d'information continue, créée en 1996, est incontestablement le bras médiatique de la famille régnante au Qatar. Et quand ce minuscule Etat du Golfe est accusé de terrorisme, il est difficile de ne pas penser au rôle de cette chaîne de télévision dont l'ambition initiale était de contrecarrer le flux de l'information et les grilles de lecture de CNN et autres puissants médias occidentaux. Sous le couvert de l'encouragement de la démocratisation des pays arabes, Al Jazeera ouvrait, sans hésitation, ses plateaux aux islamistes radicaux qui pullulaient dans ce qui est appelé le monde arabe. Les Algériens en savent beaucoup, puisqu'elle a été la chaîne de prédilection de la mouvance islamiste algérienne qui, durant la décennie 90' et bien après, déversait sans discontinuité son venin sur l'Etat algérien. Cette chaîne s'est rangée du côté des membres du FIS dissous exilés à l'étranger, auxquels elle donnait régulièrement la parole. Elle assurait également la médiatisation des partisans du «qui-tue-qui». Al Jazeera n'a jamais qualifié les attentats commis par les islamistes radicaux — qu'elle a toujours entretenus médiatiquement — d'actes terroristes. Les groupes terroristes qui tuaient des Algériens durant les années 1990 étaient pour cette chaîne des groupes d'opposition armés. Aujourd'hui encore, cette chaîne, qui a pourtant beaucoup perdu en audience, continue à désigner les organisations terroristes qui activent en Syrie ou ailleurs de groupes d'opposition. En revanche, les régimes qui combattent ces organisations terroristes sont souvent qualifiés de criminels. Dopée par les pétrodollars, Al Jazeera est devenue au fil des ans un véritable lit des terroristes islamistes qui l'utilisaient comme une rampe de lancement de leur propagande au nom de l'islam. C'est à Al Jazeera que le Saoudien Oussama Ben Laden, chef de la nébuleuse Al Qaîda, tué en mai 2011 par les Américains, passait, presque automatiquement ses vidéos appelant au «djihad». C'est aussi sur cette chaîne qu'il avait revendiqué les attentats du 11 septembre et beaucoup d'autres actes terroristes commis dans le monde. Son successeur à la tête de la nébuleuse Al Qaîda, l'Egyptien Ayman Al Zawahiri avait, lui aussi, eu le même traitement de faveur. L'image d'Al Jazeera est longtemps restée liée à la diffusion de ces vidéos des chefs d'Al Qaîda, menaçant les pays occidentaux et leurs alliés arabes d'attentats terroristes. Fortement impliquée dans les révoltes arabes, notamment en Libye contre le régime du colonel Mouammar El Gueddafi et en Syrie contre celui de Bachar Al Assad, Al Jazeera a fini par perdre toute crédibilité auprès de l'opinion arabe. Beaucoup de ses bureaux dans les pays arabes ont été fermés ces dernières années. A la ligne éditoriale totalement favorable aux islamistes, Al Jazeera est considérée comme une chaîne propagandiste dangereuse qui sème la destruction et la haine partout où elle passe. Cette chaîne, qui incarne l'ambition démesurée de la monarchie qatarie à l'international, a toujours occulté ce qui se passe dans son propre pays, le Qatar. Cela alors qu'elle «bombarde» à longueur de journée les autres Etats de la région et de l'Afrique du Nord par ses informations orientées et ses débats tendancieux.