Qatar sous embargo», «Qatar isolé par ses alliés»… «Qatar frappé au portefeuille». La presse internationale s'est gavée avec les insondables mésaventures de l'émirat du Qatar ; Etat ergot dans la péninsule arabique mais à l'influence (et degré de nuisance) certainement considérable. «Qatar sous embargo», titrait hier le vieux Al Ahram avec ses accents franchement va-t-en-guerre. «Les mains du Qatar souillées par le sang de (nos) martyrs», écrit l'éditorialiste de ce journal pro-régime égyptien, très remonté contre l'interventionnisme qatari. Al Ahram rapporte qu'en plus des six pays arabes, l'île Maurice et les Maldives (sic !) ont aussi coupé toute relation diplomatique avec le Qatar, ce «micro Etat», qualifié en sus d'«émirat du terrorisme (…) rompu au financement des opérations crasses». Al Gomhuria, autre gazette gouvernementale égyptienne, n'en jubile pas moins. «La colère arabe encercle le Qatar», ouvre-t-il sa une. «La Bourse de Doha plonge alors que les cours du pétrole remontent», titre le Télégraph (UK) qui s'inquiète des conséquences de l'embargo sur les futures livraisons de pétrole via le détroit d'Ormuz par lequel transitent 30% du pétrole mondial. The Independant, lui, prête à (l'arrivée de) Trump le rôle de déclencheur des hostilités. «La résistance du Qatar à la domination saoudienne et émiratie a connu des tensions pendant des années. Il a fallu l'arrivée de Donald Trump pour les faire bouillir», écrit non sans humour, The Indépendant. «Qu'est-ce qui a changé dans le Golfe pour précipiter pareille crise ?» s'interroge le quotidien anglais. «La réponse est qu'un boulet de démolition ( M. Trump) a traversé la région le mois dernier (…)perturbant l'équilibre régional des forces.» Trump a déjà encouragé, selon lui, la monarchie sunnite à Bahreïn à écraser la dernière résistance chiite, «à tuer cinq manifestants dans un village et à fermer le seul journal indépendant restant». Le soutien sans réserve de Trump aux monarchies sunnites lors de sa visite de deux jours à Riyad a encouragé le royaume à entamer le second, peut-être le dernier round dans sa confrontation avec le Qatar. «M. Trump n'avait peut-être pas l'intention de susciter cette crise quand il a agressivement et inexactement diabolisé l'Iran et, par implication, les chiites désignés source de tout le terrorisme, mais ses mots ont été interprétés par les Saoudiens comme une permission de faire mouvement contre le Qatar, même si celui-ci abrite la plus importante base américaine de la région.» Il sera difficile pour le Qatar de résister à une forme de siège, conclut The Independant. «Selon M. Trump, le degré de protection qu'il peut attendre des Etats-Unis est incertain et le prince Mohammed Ben Salmane, désireux de sécuriser son chemin vers le trône saoudien, ne peut se permettre un échec. Il peut même vouloir franchir la limite et éliminer le Qatar en tant qu'Etat indépendant.» A l'image de ce qui s'est produit en 1990, lorsque Saddam Hussein avec son armée a envahi le Koweït. Les grands titres de la presse américaine ne sont pas en reste. Le Washington Post parle d'une «crise régionale sans précédent» après que l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte aient rompu leurs relations diplomatiques avec la «nation péninsulaire minuscule et riche du Qatar». Riyad et Abu Dhabi, écrit le Washington Post, et par-delà le bloc des six monarchies du Golfe, étaient «excédés par l'activisme» débordant du Qatar et par sa politique étrangère très offensive. «Le Qatar a utilisé ses vastes coffres pour projeter sa propre influence dans l'ensemble de la région.» Le Figaro, la gazette du CAC 40 scrutera aussi, et sous toutes ses coutures, la «mise en quarantaine» du Qatar par ses voisins du Golfe. «Le Qatar frappé au portefeuille (.. )», titre évocateur du Figaro. «Mis en quarantaine lundi par ses voisins du Golfe, le Qatar pourrait avoir beaucoup à perdre de cette crise diplomatique majeure au Moyen-Orient», note Le Figaro qui rassure (et se rassure). «Le Qatar, doté d'un fonds souverain estimé à 335 milliards de dollars, semble toutefois en mesure de surmonter la crise.» Le minuscule émirat, souligne le quotidien français, affiche une réussite insolente sur la scène mondiale, grâce à son immense fortune tirée du gaz et du pétrole. Membre de l'Opep, il est le premier producteur et exportateur mondial de gaz naturel liquéfié et dispose des troisièmes réserves mondiales.