Hier, c'était le dernier jour du baccalauréat. Un examen qui s'est passé plus ou moins sans histoire. Mais certains candidats retardataires qui ont été exclus sont montés au créneau, suscitant l'émotion sur les réseaux sociaux. «Un candidat habitant Relizane est en pleurs. Accompagné de son père devant le lycée où il devait passer ses épreuves du bac, il raconte la raison pour laquelle il a été exclu du bac. Il est arrivé à 9h01, une minute de retard». C'est la vidéo qui a fait le buzz cette semaine. Partagée à de nombreuses reprises sur les réseaux sociaux, elle a suscité l'indignation des internautes. Selon eux, le candidat n'aurait jamais dû être exclu pour une minute de retard. Ce Relizanais n'est pas un cas à part. Ils sont nombreux à ne pas avoir pu accéder aux centre d'examen, car ils sont arrivés en retard. Suite à ces expulsions, Nouria Benghabrit, la ministre de l'Education, est devenue la cible des internautes. Cependant, faut-il vraiment lui lancer la pierre, sachant qu'elle a prévenu tout le monde et à de nombreuses reprises, et ce, tout au long de l'année ? «Tout retard enregistré après 9h privera le candidat de sa participation aux épreuves. Cette mesure s'inscrit dans le cadre des dispositions adoptées pour sécuriser et garantir la crédibilité du baccalauréat», a-t-elle précisé. Mais, finalement, toute cette polémique n'est pas due à un manque de rigueur ? «Il n'y a pas de rigueur durant l'année. Comment voulez-vous faire respecter le règlement intérieur de l'établissement lorsque le conseil de classe a perdu sa souveraineté ?» s'interroge Meziane Meriane du Snapset. «Un élève exclu pour faute grave se retrouve dans un autre établissement. Pour la paix sociale au détriment du respect de la hiérarchie, la loi est bafouée. On tolère les retards et on ferme les yeux sur les dépassements», se désole-t-il. Complicité Un avis partagé par Bachir Hakem du CLA, qui soutient que l'on constate un manque de rigueur durant toute la scolarité de l'élève. On a enlevé toute autorité pédagogique à l'enseignant en particulier et à l'école en général. Bachir Hakem se désole du fait qu'on applique la rigueur uniquement le jour des examens. L'enseignant confie que souvent, même si le candidat habite à deux pas du centre d'examen, celui-ci arrive en retard volontairement, avec la complicité des parents dans certains cas, ou a cause des habitudes des retards durant sa scolarité. Pour y remédier et éviter «99% des retards», Bachir Hakem propose que la rigueur sur le retard soit appliquée durant la scolarité. «Aujourd'hui, dans certains établissements, l'élève paie son retard soit par un certificat médical ou la complicité des parents ou de l'administration. Pour y remédier, il faut revoir les sanctions sur les retards dès le primaire», ajoute-il. De son côté, Nabil Ferguinis, chargé de communication du Snapap explique : «La rigueur s'impose par des textes. Ces derniers devraient être appliqués par tous les responsables des différents secteurs : directeurs des écoles primaires, des collèges et les proviseurs des lycées. Pendant l'année scolaire, les retards sont signalés et ceux qui sont censés respecter le règlement intérieur sont parfois dépassés par les différentes tâches administratives et pédagogiques qu'exige la tutelle. Ceci est dû en premier lieu au manque de personnel appelé à veiller au bon fonctionnement des établissements et qui gérerait par l'exemple les retards ou les absences. Ce manque de personnel est lié au statut particulier de l'Education nationale». Transport Pour Kamel Nouari, directeur de collège, il n'y a rien qui puisse justifier un retard le jour de l'examen. Il explique : «Très souvent durant l'année, les élèves arrivent fréquemment en retard. Ces derniers habitent parfois loin des établissements et le manque des moyens de transport n'arrange pas les choses. Cependant, et afin de garantir les mêmes chances pour tout le monde, aucun retard n'est toléré le jour J, ce qui est normal». Autre question qui s'est posée suite aux expulsions : la non-application du quart d'heure pédagogique. Mais, concrètement, cette mesure a-t-elle été bafouée ? «Non, répond Lamine Cherfaoui, chargé de la communication au ministère de l'Education. Les années précédentes, les élèves devaient arriver au plus tard à 8h30. Cette année, c'est 9h. On ne parle plus de quart d'heure pédagogique, mais d'une demi-heure. Le candidat a tout le temps d'arriver. Il faut savoir que cet horaire a été fixé suite à la demande des élèves. De plus, en raison de ce qui s'est passé l'année dernière, le ministère se devait de prendre toutes les mesures afin de mettre en place un examen sans fraude». Une explication appuyée par Meziane Meriane qui soutient : «Avec les fuites des sujets sur les réseaux sociaux, les élèves peuvent rester dehors exprès pour consulter les fuites, puis rentrer. Une mesure a alors été prise et c'est logique. Cette année, l'heure est fixée à 9h. L'élève a tout le temps d'arriver à l'heure. Au lieu de polémiquer sur ça, il faut au contraire saluer le fait que la loi a été respectée. On ne peut pas se permettre d'ouvrir une brèche et tolérer ne serait-ce qu'une seconde de retard». Triche De son côté, Nabil Ferguinis explique que le baccalauréat est un examen national et sa valeur est liée au bon déroulement des épreuves, où tous les candidats planchent à la même heure sur la même épreuve à travers tout le territoire national pour préserver sa crédibilité. «La tutelle a décidé que l'horaire fixé à 9h doit être respecté, et ce, pour tout le monde. C'est à tout chacun d'assumer ses responsabilités», soutient-il. Si certains, une minorité, arrivent en retard à cause de la circulation, d'autres, selon les professionnels du secteur, le font exprès. Lamine Cherfaoui confie : «Certains retardataires profitent de leur retard afin de tricher. L'année dernière, quand les candidats devaient rentrer à 8h30, nombre d'entre eux attendaient 8h45 pour le faire car ils savaient que les sujets allaient être publiés sur les réseaux vers ces moments-là, ce qui est désolant». Pour justifier leur retard, de nombreux candidats avancent ne pas avoir trouvé l'établissement. Lamine Cherfaoui assure : «Nombreux sont ceux qui ne sont partis à la recherche de l'établissement dans lequel ils ont été affectés que le jour J, ce qui est aberrant». De son côté, Kamel Nouari assure que cette excuse est inacceptable. Selon lui, on ne peut pas se permettre de justifier son retard le jour de l'examen sous prétexte de ne pas avoir trouvé l'établissement. «Cette recherche devrait être faite bien avant le jour J afin de prendre toute ses précautions», conclut-il. Chances Suite à cette polémique sans nom, la question des établissements s'est aussi posée. Les parents se demandent pourquoi leurs enfants ne peuvent pas passer les épreuves du bac dans leurs lycées, ce qui évitera, selon eux, tout retard lié au changement. A cet effet, Nabil Ferguinis explique que dans un souci de bonne organisation de l'examen on ne peut pas les laisser passer l'examen dans leurs établissements respectifs, et ce, vu que le nombre de filières est important. Selon lui, «ce problème doit être assumé par la tutelle et les parents. La tutelle devrait mettre à la disposition des candidats tous les moyens nécessaires afin de réussir cet examen, surtout dans les zones éloignées et reculées. Les parents aussi ont leur responsabilité de veiller à ce que leur enfant arrive à l'heure à l'examen». De son côté, Bachir Hakem avoue que si l'on se réfère à ce paramètre, il se trouve qu'il n'y a pas d'égalité de chances entre les candidats car certains se retrouvent par hasard dans leur établissement ou bien tout près de chez eux car les listes des jurys sont établies par établissement et par ordre alphabétique suivant le prénom et non le nom pour éviter que des noms homonymes se retrouvent dans le même jury. De son côté, Kamel Nouari assure qu'il serait favorable au fait que le candidat passe ses épreuves dans son propre établissement, comme cela a été fait pour l'examen de cinquième. Université Et enfin, le dernier point qui est revenu sur le tapis : la suppression du bac. Comme chaque année, nombreux sont ceux qui cherchent une «alternative» au bac. Une idée inenvisageable pour Bachir Hakem. Selon lui, ceux qui sont en faveur de cette option sont ceux qui veulent détruire l'école publique. «Le bac est le passeport pour entrer à l'université. Le supprimer, c'est corrompre encore plus l'éducation. C'est le seul examen qui garantit une certaine égalité de chances entre tous les candidats algériens. Le supprimer, c'est permettre aux bourgeois et à une certaine classe d'avoir accès automatiquement à l'université et à l'enfant du peuple de ne pas pouvoir choisir sa filière. On doit au contraire veiller à le laisser comme passeport à l'université», soutient-il. Un avis largement partagé par Kamel Nouari qui est plutôt favorable à la révision du bac qui devrait, selon lui, passer de 5 à 3 jours ou à ce qu'il se fasse sur deux étapes, mais pas le supprimer.