Khaled Mechaâl, le chef du bureau politique du mouvement islamiste palestinien Hamas, présent depuis quelques jours au Caire, n'a jamais paru autant proche de la ligne politique tracée par le défunt président Yasser Arafat et celle de son successeur Mahmoud Abbas, approuvée par l'ensemble des pays arabes. Dans une conférence de presse, samedi après de longues discussions avec Omar Souleimane, le chef des services de renseignements égyptien, il a confirmé, sans ambiguïté aucune, que le Hamas accepte une solution négociée du conflit avec l'Etat hébreu, basée sur la création d'un Etat palestinien sur l'ensemble des territoires occupés en 1967, sans évoquer, à aucun moment, le reste des territoires de la Palestine historique. Les accords d'Oslo, signés entre l'OLP et Israël en 1993, catégoriquement refusés par le Hamas qui a tout fait pour les faire échouer, visaient aussi à créer un Etat palestinien sur ces territoires. L'ultimatum de six mois, lancé par le chef du Hamas à la communauté internationale pour réaliser ce projet et la menace d'une troisième Intifadha n'ont pas d'implication sur le changement de la stratégie du mouvement islamiste palestinien qui a toujours appelé à la libération de l'ensemble de la Palestine historique, dans laquelle il n'y a aucune place pour l'Etat hébreu. Les propos du chef du Hamas vivant en exil à Damas étaient beaucoup plus conciliants par rapport à ceux lancés depuis la capitale syrienne où il ne parlait que de résistance armée comme seul outil de libération. « Nous donnons six mois à la communauté internationale pour (trouver) un véritable horizon politique. Il y a une véritable opportunité politique pour un Etat palestinien dans les frontières de 1967 », a déclaré Mechaâl. « Si nos demandes ne sont pas satisfaites, le peuple palestinien suspendra toute initiative politique et lancera une troisième Intifadha et un conflit ouvert », a-t-il menacé, avant d'ajouter, « la victoire dans ce conflit nous reviendra ». « Notre demande nationale, et non seulement celle du Hamas, est la fin de l'occupation et la création d'un Etat palestinien dans les frontières du 4 juin 1967 – sans colonies, grandes ou petites – ainsi qu'une souveraineté véritable sur le sol et le sous-sol », a-t-il affirmé, des exigences formulées dans le passé par Arafat et actuellement par Abbas. Pour se démarquer de la manière avec laquelle les précédents négociateurs, qui appartenaient en majorité au Fatah, menaient les discussions de paix, il a exigé une solution finale du conflit. « Nous refusons ce que les autres ont fait : des négociations par étapes ou une déclaration de principes. Le peuple palestinien n'a qu'une seule demande et il ne marchandera pas », a-t-il affirmé. « La communauté internationale doit respecter (cette demande) et amener Israël à la respecter », a réitéré Mechaâl. « Si nous ne l'obtenons pas par une entente sur le chemin de la paix, nous l'obtiendrons par la résistance », a-t-il menacé. Ce changement de position du Hamas n'aurait jamais été possible s'il n'avait pas pris les rênes au niveau du conseil législatif et du cabinet palestinien. Directement engagé dans la responsabilité du devenir de l'ensemble des Palestiniens et de la complexité de la cause palestinienne dans un contexte mondial où les Etats-Unis, le principal allié d'Israël sont le pôle et la force unique actuellement, le Hamas a réalisé qu'il ne pouvait continuer à entretenir son ancien discours au risque de se voir définitivement écarté. Le Hamas, premier mouvement islamiste arabe, arrive au pouvoir par la voie des urnes, fer de lance de l'Islam politique, très proche du mouvement international des Frères musulmans, dont sont issus ses premiers responsables, désire, à tout prix, faire réussir cette expérience, au point d'être prêt à faire certaines concessions au détriment de son idéologie. Des pressions de la part de la Syrie, soucieuse d'améliorer son image vis-à-vis de l'Occident et de la direction égyptienne très impliqués dans les affaires palestiniennes, ne sont pas à écarter. Quant à la formation du gouvernement d'union, point essentiel des discussions avec Omar Souleimane et proche, selon le leader palestinien, avec la détermination de se garder certains ministères influents tels que ceux des Finances et de l'Intérieur dans le but d'accroître l'influence du mouvement Hamas au sein de l'Autorité, au risque de faire perdurer l'embargo international imposé au peuple palestinien, est une tâche qui paraît plutôt difficile. Les Fathaouis étant convaincus que seuls des nationalistes technocrates, n'appartenant ni au Hamas ni au Fatah mais proches de ces mouvances, sont capables de casser l'embargo. Les principales leçons tirées des propos de Mechaâl au Caire sont, d'une part, que le Hamas peut montrer une grande flexibilité quant à la solution du conflit avec Israël et que, d'autre part, il tient à garder sa mainmise sur tout gouvernement palestinien prochain.