Squat, occupation anarchique et clandestine des espaces balnéaires, racket, parkings sauvages, prestations médiocres… En somme, rien n'a changé dans les conditions d'accueil sur les plages bougiotes. Malgré les assurances des autorités de garantir un accueil et un séjour agréables aux estivants, la qualité de ces derniers laissent à désirer sur les plages de la wilaya de Béjaïa. Les vacanciers, en quête d'évasion et d'espaces de détente pour se ressourcer après une année difficile, se retrouvent en proie à des dépassements en tous genres et leur séjour transformé en cauchemar. Squat, occupation anarchique et clandestine des espaces balnéaires, racket, parkings sauvages, prestations médiocres… En somme, rien n'a changé dans les conditions d'accueil sur les plages bougiotes. Cela donne un avant-goût de ce que va être la saison estivale à Béjaïa. Le modèle le plus édifiant de cette anarchie ambiante en est El Maghra, une grande plage de sable prisée des estivants, relevant de la commune de Boukhelifa, à l'est de Béjaïa. La couleur est annoncée dès l'entrée : il faut mettre la main à la poche pour fouler le sable d'El Maghra. Une bande de jeunes à l'attitude peu joviale se mettent à racketter les automobilistes. Sans autorisation et dans l'impunité totale, ils se permettent de stopper les estivants pour leur faire payer des droits d'accès. Racket A raison d'au moins 100 DA par automobiliste, ils se font un pactole quotidien net d'impôts et assuré pour toute la période estivale. Et gare à celui qui ne se plie pas à leur diktat. Car, forts de l'impunité dont ils jouissent, ces jeunes ne s'embarrassent pas de recourir à la manière forte en cas de besoin. Le pire est que le poste de gendarmerie n'est qu'à un jet de pierre de là. Pourquoi les services de sécurité n'interviennent-ils pas conformément aux instructions du wali ? Cette situation dure depuis des années et les autorités ne veulent toujours pas sévir pour mettre fin à ces pratiques regrettables qui saignent les portefeuilles des estivants et qui les jettent en pâture à l'insécurité. «Ce qui se passe sur cette plage est regrettable. Ces jeunes (les ‘‘parkingeurs'' autoproclamés, ndlr) savent que je viens quotidiennement me baigner ici, mais à chaque fois ils m'obligent à payer un droit d'accès. Quand j'ai essayé de protester, ils se sont mis à me hurler dessus devant ma femme et mes enfants, effrayés», tempête un Sétifien, habitué d'El Maghra, qui séjourne à Tichy pour 15 jours. «Mais là où le bât blesse, c'est le laxisme des autorités qui laissent ces gens agir en toute impunité, et ce, depuis plusieurs années», s'emporte notre interlocuteur. S'agissant des parkings, l'instruction du wali est ambiguë : «Les plages autorisées à la baignade doivent disposer d'une ou plusieurs aires de stationnement aménagées conformément aux normes requises. Le parking sera gardé et surveillé par des jeunes en favorisant et privilégiant les handicapés de la localité concernée.» L'instruction manque de préciser que la gestion des parkings n'est possible que si l'on est en possession d'une autorisation délivrée par l'APC et suivant un cahier des charges auquel doivent se plier les gestionnaires. Or, rien de tout cela n'est de mise à El Maghra. Capharnaüm Les estivants ne sont pas au bout de leur peine, car le pire reste à venir. Censée être un espace de détente et de repos, la plage d'El Maghra est un immense capharnaüm où tous les dépassements sont permis. Les parasols proposés à la location à des prix qui sont fixés au bon vouloir du propriétaire sont plantés à quelques mètres seulement de l'eau, empiétant sur l'espace vital des baigneurs. C'est le cas aussi des tentes, chaises, tables et autres équipements de plage installés anarchiquement et sans aucune autorisation. Approché, le vice-président de l'APC de Boukhelifa, M. Hemache, s'en lave les mains. Pour ce qui est des parkings – la commune en a 3 au niveau des plages –, le responsable se justifie en affirmant que «leur location est impossible puisque les Domaines publics maritimes (DPM) ne nous ont pas fait de mise à prix». «On les (DPM, ndlr) a rappelés 3 fois, mais sans suite, ce qui a fait que les plages sont accaparées clandestinement par ces jeunes», regrette-t-il. Il ajoute, toutefois, que les services de sécurité sont informés de l'accaparement des espaces balnéaires et du racket qui s'y déroule. Quant à la gestion des équipements balnéaires, notre interlocuteur renvoie, là aussi, la balle à autrui, affirmant «que la tutelle (la daïra de Tichy) a rejeté à deux reprises nos demandes d'autorisation d'installer des kheimas, décidée après délibération». Bien des plages de Béjaïa «pataugent» dans ce sempiternel désordre. Cest le cas à Boulimat. Même scénario au niveau de cette plage très prisée sur la côte ouest de Béjaïa. Un racket éhonté s'y pratique et il a commencé dès le début du mois de Ramadhan, tenu par des jeunes qui n'ont rien à voir avec le métier de «parkingeur». Grincheux, ils font leur beurre sur le dos des automobilistes, les obligeant à payer des places de parking improvisées qu'ils ne gardent même pas. Commission Pourtant, cette année, des mesures ambitieuses ont été annoncées par les autorités de wilaya afin d'enrayer les désagréments qui émaillent chaque saison estivale. C'est ainsi que, pour la première fois et conformément aux orientations du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, une commission de wilaya de suivi de la saison estivale a été installée. Prolongement de celle installée en début juin pour préparer la saison estivale, cette commission, élargie cette fois à la commission de sécurité, a pour mission «d'assurer le suivi de la mise en œuvre de l'ensemble des recommandations dictées précédemment par le wali lors des différentes réunions tenues pour la préparation de la saison estivale». La gratuité et l'accès libre aux plages est un principe «qui ne doit pas être interrompu ni remis en cause», a insisté Mohamed Hattab, lors de l'installation de la commission de suivi. D'autres recommandations ont été aussi mises en avant, telles que la réglementation stricte de la gestion des équipements balnéaires (parasols, tentes, tables, chaises etc.), «qui ne seront pas autorisés à être entreposés sur le périmètre des plages», ou l'instruction adressée aux responsables du commerce et de la santé afin «d'assurer quotidiennement, dans le cadre des brigades mixtes et de manière inopinée, le contrôle des concessionnaires exerçant dans le domaine alimentaire». Si telle est la mission de cette commission, qu'attend-elle pour intervenir ? Il faut dire que ces mesures, ressassées chaque année, restent au stade de la théorie. Rien ne peut expliquer la mollesse des autorités envers des pratiques et une situation qui n'ont que trop duré. Ajoutés à l'insalubrité et le manque de civisme qui gagnent nos plages, ces agissements ne font que ternir l'image de la wilaya de Béjaïa. Ne compter que sur sa beauté naturelle pour attirer des touristes est loin d'être la politique touristique attendue. Cette wilaya a besoin de bien plus que de belles paroles de circonstance. Il faut agir et vite.