Des magistrats ont plaidé, hier, à Alger, pour une application objective des textes de loi, loin de toute interprétation subjective, puisée des traditions, us et coutumes. Lors d'une table ronde organisée au forum du journal El Moudjahid, consacrée à l'application des aménagements apportés à plusieurs textes de loi (code pénal, code de procédure pénale, code de la famille et code de la nationalité…), un groupe de juristes a estimé que si certaines nouveautés législatives sont correctement appliquées, d'autres ne le sont pas. La non-applicabilité de certains articles de loi provient, selon la juriste Nadia Aït Zai, « du fait que la loi est en général mal comprise ou tout simplement parce que son contenu "prête'' à interprétation ». « Ceux qui sont censés appliquer la loi, le préposé ou le fonctionnaire (des services publics) n'est souvent pas en possession du décret d'application des textes ou des circulaires qui viennent compléter et expliquer les lois », a-t-elle déploré. Elle a donné l'exemple de l'article 7 du code de la famille qui oblige les futurs mariés à présenter un certificat médical quant à leur état de santé. « La mauvaise interprétation de cet article a conduit certains officiers d'état civil, dans certaines wilayas, à exiger un certificat de virginité de la future mariée pour conclure un acte de mariage », a-t-elle rappelé. Pour faire face à cette situation, la juriste a insisté sur la nécessité de former ceux qui sont appelés à appliquer les textes de loi « afin qu'ils puissent faire dans le sens le plus objectif, et ne léser ni les intérêts de l'Etat ni ceux des individus ». « La législation, depuis 1968, stipule que les coutumes ne sauraient faire échec à la loi », a-t-elle dit, ajoutant que « si notre modèle de société n'est pas encore défini, les lois ajustées aux conventions internationales, nous acheminent sûrement vers la modernité ». Selon Mme Aït Zai, il est vrai qu'il incombe aux juristes d'informer, de sensibiliser et de vulgariser toute nouveauté dans les textes de loi, ajoutant cependant, que la société civile peut également s'impliquer dans cette mission. De son côté, le juriste Merouane Azzi a présenté dans les détails, tous les amendements apportés aux codes pénal, de procédures pénales, à l'ordonnance sur la lutte contre le blanchiment d'argent, l'organisation pénitentiaire et la réinsertion sociale des détenus. Ces amendements « étaient nécessaires afin d'adapter nos lois aux conventions internationales signées par l'Algérie », a-t-il dit. Si cet intervenant a estimé que ces amendements sont « positifs » et « nécessaires » pour faire face aux nouvelles formes de criminalité, des participants au forum, membres du mouvement associatif, ont cependant exprimé une certaine appréhension quant à l'application de certains articles. Il s'agit, notamment, de l'article qui autorise l'interception du courrier, la mise sur écoute, la prise de photographies et l'infiltration, ainsi que ceux qui autorisent les perquisitions impromptues qui, de l'avis de certains intervenants, peuvent conduire à des dépassements. Pour le juriste Ammar Khababa, la problématique de la mauvaise application de certaines nouvelles dispositions de loi n'est pas due essentiellement aux traditions, mais, à la mauvaise interprétation de ces textes ajoutant que « les lois ne valent que par les hommes qui les appliquent ».