Etrange conflit qui oppose depuis quelques semaines le Qatar, d'un côté, à l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, le Bahreïn et l'Egypte, de l'autre. Ces derniers exigent notamment de l'émirat, à l'ambition démesurée qui rappelle la fable de La Fontaine sur la grenouille qui veut se faire aussi grosse qu'un bœuf, qu'il renonce à sa chaîne pro-terroriste Al Jazeera, qu'il renvoie les militaires turcs présents sur son territoire et qu'il limite ses relations avec l'Iran, considéré comme l'ennemi juré de la famille Al Saoud. La raison ? C'est le summum de l'hypocrisie en matière diplomatique. Doha est accusé de soutenir le terrorisme islamiste, notamment son expression la plus bestiale, Daech. Il avait déjà subi des pressions de ce genre en 2013 de la part des pays du CCG (Conseil de coopération du Golfe), ce qui l'a obligé à se séparer du chantre du crime islamiste, El Qaradawi. Mais cette fois-ci, les 4 compères ont poussé le bouchon trop loin. Ils attentent purement et simplement à la souveraineté de l'émirat, en cherchant à le mettre sous la suprématie saoudienne. Personne ne les prend au sérieux lorsqu'ils accusent ce petit pays de soutien au terrorisme. Il est de notoriété publique que l'Arabie Saoudite, le Qatar, les Etats-Unis et la Turquie sont derrière la création de Daech qui avait alors pour mission de déstabiliser les pouvoirs chiites de Baghdad. Mais la gestion du monstre a échappé à ses créateurs. Abou Bakr Al Baghdadi était devenu une menace pour tout le monde, surtout pour l'Europe. Lorsqu'il y a eu les attentats en Belgique, Bruxelles ne s'est pas fait prier pour dénoncer le régime wahhabite, accusé d'avoir financé des écoles coraniques qui étaient en fait des centres de formation de criminels affublés de la casquette de l'islam. Les dénonciations étaient tellement virulentes que Riyad a pris peur et cherché à tirer son épingle du jeu. Pour détourner l'attention, il n'a pas trouvé mieux que d'accuser son complice d'hier et de toujours dans l'expansion du terrorisme. Et les opportunistes de s'engouffrer dans la brèche. L'Egypte, qui souffre grandement de la crise économique, malgré le travail colossal du maréchal Al Sissi, se prête au jeu dans l'espoir de tirer quelques dividendes financiers. Mais ce sont les Etats-Unis qui tirent le gros lot. Aussi bien les Saoudiens que les Qataris cherchent à gagner la protection et les faveurs du puissant allié. Immédiatement après l'apparition de la crise, Doha signe avec Washington un contrat de plus de 130 milliards de dollars pour l'achat d'armements. Faisant de la surenchère, Riyad conclut avec les Américains des contrats faramineux pour plus de 380 milliards de dollars. Une aubaine pour Donald Trump et pour sa base nationaliste à laquelle il a promis la relance de la machine économique des Etats-Unis. Dans les chancelleries européennes, on raconte aujourd'hui que la famille Al Saoud est le principal ami du locataire de la Maison-Blanche. Ce dernier profite de l'aubaine. Il dit à chaque protagoniste qu'il est son ami, mais ne fait rien concrètement pour faire baisser la tension, laquelle arrange grandement ses affaires. Les seuls perdants dans cette crise sont les peuples de la région qui vit déjà une situation dramatique, sans parler des relations tendues avec l'Iran, considéré par les monarchies du Golfe comme un ennemi juré d'Israël et qu'il faut affronter par tous les moyens.