La paire Sidi Saïd-Ali Haddad, qui vient de défier dans une alliance contre nature le Premier ministre, illustre à elle seule toute la flétrissure du système qui nous gouverne. L'un est un syndicaliste «fonctionnarisé» qui a vendu son âme pour servir les puissants au détriment de la masse des travailleurs qui lui a fait confiance, l'autre un faux manager capitaliste sorti de nulle part, qui s'est enrichi et a bâti sa pseudo influence sur le dos des deniers publics en contrepartie, lui aussi, d'une allégeance calculée aux mêmes puissants. Les deux sortent du même moule et nous donnent une idée précise sur la décomposition ou la déliquescence d'une gouvernance à sens unique qui privilégie la gabegie et le clientélisme de bas étage aux vraies notions de la responsabilité et de l'engagement patriotique à travers les valeurs de respectabilité et de crédibilité qu'elles véhiculent. Sidi Saïd et Ali Haddad, qui se retrouvent aujourd'hui dans l'œil du cyclone pour avoir franchi, comme diraient les commentateurs politiques, certaines «lignes rouges», ont été jusque-là deux parfaits instruments de propagande du sérail, l'un utilisé pour symboliser l'adhésion factice de la classe ouvrière au pacte de stabilité nationale, l'autre pour promouvoir l'image d'un entrepreneuriat algérien ambitieux et productif sur lequel l'économie algérienne peut compter. C'est sous le règne de Bouteflika que ces deux entités dont la fonction est plus politique que syndicale ou économique ont prospéré avec pour mission, chacun dans les limites de son territoire, de consolider les assises du système. Comment donc ces deux personnages en sont arrivés à consommer une grave fracture avec les représentants de la doctrine qui les a produits, couvés et défendus en toutes circonstances, au point de se retrouver dans une posture de pestiférés qui risquent de laisser des plumes dans cette confrontation avec la sphère dirigeante ? Il faut dire que ce sont eux qui se sont mis dans cet engrenage infernal en devenant encombrants pour leurs tuteurs. Le SG de l'UGTA dont on dit qu'il se trouverait, selon une source sûre, assis sur un siège éjectable depuis quelque temps déjà, s'est fait remarquer de manière inhabituelle dans le conflit d'intérêts qui a opposé la ministre de la Poste, des Télécommunications, des Technologies et Numérique aux syndicats à propos de la gestion chaotique des œuvres sociales. En s'opposant fermement à la ministre et en soutenant une représentation syndicale en déficit d'arguments dans cette affaire, Sidi Saïd a mis les pieds dans le plat en affichant son parti pris flagrant en faveur d'un acteur défaillant, comme le démontrent les milliers de signatures contenues dans une pétition venue en soutien à la ministre. Le patron de la centrale syndicale a joué gros dans cette épreuve de force, mais a très mal calculé son coup en laissant croire que s'il était sorti de sa réserve, c'était pour défendre l'intérêt des travailleurs avec lesquels pourtant il avait rompu les ponts depuis longtemps. Ce qui est vrai dans cette histoire, c'est que l'argent des travailleurs à travers les disponibilités contenues dans les caisses des œuvres sociales n'est pas allé là où il fallait. L'enquête diligentée par l'IGF le confirmera, et c'est par conséquent face à un phénomène de dilapidation et de détournement que s'est retrouvée la tutelle de la Poste, en se donnant le droit de mettre de l'ordre dans la maison. L'agitation de Sidi Saïd qui a perdu sa crédibilité devant l'opinion publique depuis qu'il a trahi ses engagements vis-à-vis des classes sociales les plus défavorisées, ne lui a pas servi à grand-chose, sinon à le mettre dans un entraînement médiatique qui ne plaît pas en haut lieu. Il vient de renforcer cette mauvaise posture en s'alignant avec le patron du FCE contre le Premier ministre lequel, en refusant catégoriquement de croiser ce dernier lors de l'inauguration de la nouvelle Ecole de la sécurité sociale, a voulu saisir l'opportunité pour adresser, à travers lui, à toute l'oligarchie une sérieuse mise en garde que plus rien ne sera comme avant… Voilà donc notre syndicaliste «fonctionnarisé» embarqué dans une nouvelle «sédition» contre l'autorité de l'Etat qui serait sans aucun doute la provocation de trop pour lui ouvrir les portes de la retraite. Le serviteur zélé n'aurait alors plus personne pour le couvrir étant donné que cette fois-ci la disgrâce viendrait du commandement suprême. Tant de compromissions, les unes plus infamantes que les autres, pour terminer dans une telle dégringolade, c'est triste… Mais c'est le sort qui attend toujours les opportunistes de tous bords et les faux dévots. Dans cette optique, l'avenir du patron du FCE ne s'annonce pas aussi radieux qu'il l'imagine si l'on considère que le clash que lui a porté Abdelmadjid Tebboune s'inscrit dans un processus de moralisation de la vie publique rendue nécessaire par les épineux problèmes de gestion et d'organisation que vit notre société. En remettant en cause la conduite des affaires jugée par trop inopérante de son prédécesseur, voire même contre-productive eu égard aux objectifs tracés, en dénonçant également la gabegie qui avait marqué le passage du ministre de l'Industrie sortant, le nouvel homme de confiance de Bouteflika a donné le ton à une action de salubrité qui promet beaucoup de frictions, et dans laquelle, on l'aura compris, c'est l'existence même de cette caste politico-financière qui a pris du galon et qu'on appelle l'oligarchie dominante qui est dans le viseur. Le Président, qui supervise cette offensive, serait revenu à de meilleurs sentiments en s'attaquant ouvertement aux puissances d'argent dans un système qu'il a lui-même enfanté ? En tout état de cause, les hostilités, volontairement ou pas, ont été enclenchées. Si Ali Haddad, la figure de proue de cette caste naissante et à l'appétit vorace est désormais classé persona non grata dans les salons où il l'habitude de sévir, c'est que l'opération dite de «réhabilitation» dans l'entourage du gouvernement est bel et bien concertée. Elle risque de valoir des surprises de taille…mais rien ne dit encore qu'elle relève vraiment d'une volonté politique exprimée par les hauts dignitaires du régime pour assainir le pays de la corruption, du népotisme et de l'injustice sociale. Tebboune doit donner encore des gages de sincérité pour convaincre.