La Confédération africaine de football (CAF) entend mener ses réformes à la hussarde. Le symposium, tenu les 18 et 19 juillet 2017 à Rabat avec un panel d'experts, a tracé la nouvelle feuille de route de la CAF version Ahmad Ahmad. S'appuyant sur les résolutions issues des ateliers, l'instance faîtière du football continental a décrété deux importantes modifications en ce qui concerne la Coupe d'Afrique des nations (CAN), la vitrine de la CAF, à savoir l'augmentation du nombre de pays qualifiés au tournoi final, qui passe de 16 à 24 équipes à partir de 2019, ainsi que la modification de la période de déroulement du tournoi qui aura lieu en été (juin-juillet) et non plus en hiver (janvier-février), comme c'était le cas depuis la CAN-1992 organisée par le Sénégal. Ces décisions, proposées lors du conclave de Rabat, soulèvent quelques légitimes interrogations sur les véritables motivations du changement proposé. Faire passer le tournoi final de la CAN de 16 à 24 équipes signifie enlever au Cameroun l'organisation de cette importante compétition. Le pays de Roger Milla fait face à beaucoup de difficultés pour achever les travaux des 4 stades prévus pour accueillir le tournoi en janvier 2019. En passant à 24 équipes, le tournoi de 2019 nécessitera obligatoirement plus de stades (6) et de villes (6). Ce qui, actuellement, n'est pas dans les cordes des Camerounais. Comme par hasard, ce nouveau critère (6 stades) est largement dans les cordes du Maroc qui s'est bien occupé de ses invités au symposium de Rabat. C'est une manière de retirer au Cameroun l'organisation de la CAN… et poignarder dans le dos l'ancien président de la Confédération, le Camerounais Issa Hayatou. La CAN en été imposée par les européens Faire jouer la CAN en été n'est pas la meilleure trouvaille de l'ère Ahmad Ahmad. Le panel d'experts africains qui a validé ce choix a-t-il pris en considération un élément important qui est la santé des joueurs qui bouclent la saison avec 40, voire 50 matchs avec leurs clubs (européens) respectifs ? A cette période de l'année, c'est-à-dire au sortir d'une longue et harassante saison, il leur sera demandé d'enchaîner avec une compétition majeure, alors qu'ils seront sur les rotules et aspireront plus à souffler qu'à chausser les crampons. Ne parlons pas des vacances et des contacts avec leur potentiel nouveau club. Difficile d'admettre la non-implication des puissants et riches clubs européens qui ont toujours imposé leur diktat à la Confédération. Comme les sélections africaines sont constituées de forts contingents de joueurs professionnels évoluant sur le vieux continent, les clubs européens ont toujours fini par obtenir gain de cause. Comme faire jouer la CAN pendant les années impaires. Que dire alors d'une CAN à 24 équipes sur un total de 55 ? C'est presque un pays sur deux qualifié à la CAN. Le niveau du tournoi tendra vers la baisse de la qualité au détriment de son élévation. Les matchs du premier tour à 24 équipes seront une invite au sommeil en tribune ou face au petit écran. Les véritables enjeux sont ailleurs. Une politique et une stratégie orientées vers les jeunes, conduites par des personnes engagées au profil sans tache, compétents, possédant une expertise en la matière. Des structures au service du développement du football et de l'émancipation des jeunes dans un cadre moral irréprochable. Avec des moyens appropriés, dans tous les domaines, dans le cadre d'une vision globale et à long terme. Les effets d'annonce, c'est de la poudre aux yeux. Le football africain a besoin, aujourd'hui plus que jamais, d'un plan Marshall pour combler son retard structurel sur le reste des autres continents. Le talent existe. Il faut juste le prendre en charge par des politiques et stratégies qui s'éloignent du folklore.