Les acteurs économiques sont, dans l'ensemble, d'accord sur les principes de base qui doivent régir le management des subventions de l'Etat pour les catégories sociales les plus vulnérables. Certes, il y a quelques désaccords. Parfois pour des raisons sérieuses. Mais il y a un accord général sur les principes de base. En premier lieu, l'existence de subventions généralisées, à grandes échelles, pour de très larges catégories de la population est un aveu d'échec des politiques économiques et du modèle social. Une économie qui emploie la plupart de ses potentialités humaines a très peu besoin de subventions. Ces réalisations existent déjà. La Malaisie a un taux de chômage qui avoisine les 3%. Elle a très peu besoin de subventions, car le système économique pourvoie à la plupart des besoins de la population. De surcroît, lorsque les politiques sectorielles sont cohérentes et couvrent les besoins sociaux des gens : assurance maladie et éducation pour tous ; les financements de ces programmes par une économie performante la rendent davantage efficace et permettent alors d'améliorer la situation socioéconomique de ses citoyens. Le problème de la gestion des subventions cache mal une mauvaise maîtrise des équilibres économiques par les décideurs publics. Il faut alors se poser les questions basiques du genre : pourquoi le potentiel des ressources humaines dont nous disposons n'est pas suffisamment qualifié et utilisé pour rendre l'économie performante ? Dès lors qu'elle serait performante, elle va financer peu de personnes tout en disposant de plus de ressources pour le faire. La problématique est surtout à ce niveau-là. Mais ce point est évacué de nos débats sur les subventions. On fait l'hypothèse que l'économie se situera pour de longues périodes au-dessous de son potentiel (hypothèse de demande effective inférieure à demande notionnelle de Clower). On focalise surtout sur comment répartir des ressources de plus en plus maigres dérivées surtout de la sempiternelle rente des hydrocarbures. Principes de base Lorsqu'on explique aux personnes la problématique des subventions, la vaste majorité demande à ce qu'il y ait des réformes profondes. Les analystes trouvent anormal qu'un milliardaire (de surcroît qui paye peu d'impôts) achète du pain, de l'huile, du sucre etc. subventionnés tout comme le chômeur ou celui qui perçoit le SNMG. Les calculs des instances internationales montrent que pour un DA subventionné à un pauvre, sept à huit le sont pour les plus aisés (consommation de viennoiseries et de plats gastronomiques dont une partie est subventionnée). Par ailleurs, l'exportation illicite de ces produits hors de nos frontières est un phénomène bien documenté. Alors, comment faire pour ne subventionner ces produits qu'aux plus nécessiteux ? Telle est la sempiternelle question qui ne trouve pas de réponse adéquate. Il en est de même pour les prix bas pour l'énergie et les carburants. Subventionnés surtout pour les plus aisés ! Au niveau des positions de principe, il y a un vaste consensus. Très peu de désaccords sont enregistrés à ce niveau-là. C'est au niveau du programme d'action que cela se complique. Le cœur du problème se situe au niveau du système d'information et de la méthodologie d'action. Comment identifier les personnes qu'il faut continuer à aider et à quelle hauteur ? Certains syndicats sont contre la levée des subventions, car ils considèrent que l'Etat n'a pas les outils et ne dispose pas de mécanismes nécessaires pour mettre en place une nouvelle approche aux subventions des couches nécessiteuses. Il est difficile de démentir de telles allégations. Le système d'information et les pratiques managériales administratives dont nous disposons sont loin de convenir à la mise en œuvre d'un système d'identification et de traitement performant des transferts. Nous commençons déjà par le problème des données. Les chiffres qui circulent au niveau des analystes varient de 18 à 35 milliards de dollars de transferts sociaux. Quelques économistes veulent exclure l'éducation et la santé de ces approximations. Il y a de sérieuses raisons pour le faire. Mais l'éducation et la santé incluent également des subventions importantes pour des personnes qui n'ont n'en pas besoin. Ce qui reste à faire Assainir les subventions ne serait pas une mince affaire. L'Etat pourrait facilement récupérer au minimum 10 milliards de dollars par an. Ce qui permettrait de créer chaque année 100 000 entreprises supplémentaires et au moins 250 000 emplois. On peut plus que doubler la création d'entreprises et donc agir sur la production de richesse, la diminution des importations et du chômage. Par la suite, le développement du secteur productif (et de l'emploi) va nécessairement réduire la masse des déshérités qui nécessite une aide de la part de la communauté. A mon avis, on ne doit pas parler d'aide mais de devoir car ce sont des citoyens qui ont été mal qualifiés, peu orientés et plutôt défavorisés par les politiques économiques menées. Mais il faut une forte volonté politique pour mener à bien un tel programme, car il faut donner beaucoup de responsabilité aux techniciens et aux scientifiques afin de moderniser et d'adapter le système d'information. Généralement, nos administrations sont peu enclines à transférer une partie de leur souveraineté aux travailleurs du savoir. Nous avons là une problématique du management du changement. Il faut alors transformer une administration bureaucratique en une administration experte. Le passage d'une administration pré-wébérienne (la nôtre) a une NPA (New public administration) s'est révélé pas facile du tout dans la plupart des pays. Ce n'est pas impossible, mais cela nécessite une volonté politique et une mobilisation des ressources qui n'ont à ce jour pas été au rendez-vous. Il faut également expliquer et faire participer le maximum d'acteurs : les concernés, les syndicats, le patronat, les ONG, les experts, etc. Cela va crédibiliser et améliorer le contenu. S'inspirer des expériences internationales transférables est également une sérieuse option. Tout ceci pour dire que cela faisable, mais pas facile. Il faut créer les outils manquants et une communication qui clarifie les fins et les moyens. En attendant d'avoir ces outils modernes, on peut opérer provisoirement avec les méthodes traditionnelles : dépôts de demande auprès des APC et commissions de validation comme pour les logements sociaux. Nous avons eu une expérience similaire au début des années 1990 lors de la hausse des prix après la levée des contrôles (le fameux filet social). Nous avons eu trois fois plus d'inscrits au niveau des APC que ce qui a été prévu et peu de moyens de discernement. C'est un système archaïque peu efficace. Mais à défaut de moderniser nos outils d'information et nos administrations, c'est ce système peu rationnel qui sera mis en place.