Plus de trois cents familles du hameau Mechtat Lahouanet, dans la commune d'El-Hadaïka, à moins de 10 km au sud de Skikda, ne savent plus à quel saint se vouer, même si elles vivent sur les terres de Sidi Ben Aroua, un saint de la région. C'est un hameau presque familial, puisqu'il est globalement formé des descendants de quatre grandes familles originaires de cette région. Cette contrée, située à moins de deux kilomètres seulement du chef-lieu de commune, ne subit pourtant aucun enclavement géographique. Bien au contraire, elle s'étend sur un large pan naturel, qui prend naissance à la carrière de Bourouis, au sud, jusqu'aux limites de l'enceinte de l'université de Skikda. Ici, les robinets des ménages n'ont pas laissé couler la moindre goutte d'eau depuis déjà près de cinq ans. «Depuis que le RND a pris les rênes de la commune d'El-Hadaïka, nos robinets se sont étrangement asséchés», jugent les habitants. Et de détailler : «Il y a près de 5 ans, la canalisation qui nous a de tout temps alimentés a été accidentellement brisée par un engin des travaux publics. En dépit de nos multiples réclamations auprès des élus communaux, rien n'a été fait. On ne fera que nous nourrir de promesses sans lendemain. On est allés jusqu'à nous promettre qu'on allait nous alimenter par une nouvelle canalisation à partir de Bouchtata, mais à ce jour nous ne voyons toujours pas cette eau.» Ainsi, et cinq ans durant, les habitants ont dû se rabattre sur l'achat du liquide précieux. Les prix diffèrent en fonction de l'emplacement de chaque habitation. Les habitants des maisons plus ou moins proches payent 800 DA la citerne d'eau et les plus éloignés déboursent jusqu'à 1500 DA. «Les propriétaires des citernes calculent leurs prix en fonction de l'état de la chaussée également, et plus on est situé sur la route délabrée, plus nos prix sont majorés», ajoutent les habitants, dont certains racontent que l'hiver, il leur arrive souvent de bricoler des gouttières pour emmagasiner les eaux pluviales qu'ils utilisent pour les besoins domestiques. A tort ou à raison, les habitants estiment que les élus locaux leur font payer le fait d'avoir massivement voté en faveur du FLN lors des dernières élections locales. Ils maintiennent cette éventualité et continuent même d'en apporter «les preuves». «Regardez, cette partie de la route menant à notre hameau est en bon état. Elle a été réhabilitée dans le cadre d'un programme qui devait toucher un linéaire de 1600 mètres. Le projet avait été entamé du temps du FLN en réalisant ces 800 mètres. La réalisation des 800 mètres restants coïncidait avec l'arrivée de l'assemblée du RND. Cinq ans durant, l'achèvement de ce projet attend toujours», racontent les habitants, en ajoutant que leur hameau n'a bénéficié durant ces 5 dernières années d'aucun logement rural. En plus de ces soucis d'un quotidien devenu «intolérable», selon leurs dires, les habitants reviennent longuement sur le calvaire que vivent leurs enfants. «Nous sommes à moins de 6 km de Skikda et nous côtoyons l'université, mais nos enfants parcourent encore entre 4 et 8 km en aller-retour pour rejoindre leurs bancs d'école, comme si nous habitions dans un douar enclavé. On compte plus de 100 élèves du cycle primaire et une cinquantaine de collégiens qui ne disposent même pas d'un bus scolaire, et l'hiver, les enfants dont les parents ne disposent pas de véhicule vivent une scolarité des plus dures». Côtoyant la tombe de Sidi Ben-Aroua, les habitants évoquent l'état du cimetière de leur localité. «Regardez, il n'y a même pas une clôture pour préserver ce lieu où reposent nos morts. Ce lieu est devenu un lieu de pacage. Les habitants s'adonnent de temps à autre à des campagnes de volontariat pour nettoyer les lieux, mais en l'absence d'une clôture, les sacs en plastique et les bouses de vaches reviennent joncher les tombes de nouveau», ce qui, à leurs yeux, représente la plus grande offense qu'on puisse faire à Mechtat Lahouanet.