Le 30 juillet dernier, au cimetière El Alia et alors que l'on inhumait l'ancien Premier ministre Redha Malek, le frère du président Bouteflika a affiché publiquement son opposition à la campagne «mains propres» ordonnée par le Président, ce qui a alimenté les spéculations sur sa prise de pouvoir au palais d'El Mouradia, alors que les dernières images du Président datent du 19 mars 2017, lors de son entrevue avec son ministre des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, venu lui faire un exposé sur la situation dans la région, notamment au Sahel, au Mali et en Libye. «C'était troublant, reconnaît un cadre de l'Etat qui a assisté à l'enterrement. Pour la première fois, le frère du Président était entouré par des responsables de la Présidence, qui sont normalement au service du Président. On avait l'impression que quelque chose se passait sous nos yeux.» En effet, les images montrant Mokhtar Reguig, directeur du protocole du président Bouteflika, au service du frère lors de l'enterrement à El Alia et la très forte présence des éléments de la DGSPP en charge de la protection du Président ne sont pas passées inaperçues. «Il s'est passé quelque chose ce jour-là dont nous n'avons pas encore saisi tous les aboutissants, estime notre source. On ne peut pas croire que ce qu'on a vu a été un concours de circonstances. Il y a eu volonté de transmettre un message à tous ceux qui étaient présents, et bien sûr au Premier ministre.» Un avis partagé par Noureddine Boukhrouh l'ancien ministre du Commerce de Ali Benflis. «C'est ce message que tenait à envoyer publiquement et officiellement Saïd Bouteflika, et c'est intentionnellement qu'il est venu à cette cérémonie en cortège officiel, dans un véhicule blindé présidentiel, flanqué du directeur du protocole du Président et de la garde présidentielle. Le prince héritier est apparu pour la première fois en public dans les attributs présidentiels, et il l'a fait en y associant Haddad sous les yeux de la nation comme dans une cérémonie de mariage royal», écrit-il sur sa page Facebook. Avant d'ajouter : «Le monde entier sait maintenant qu'il n'y a pas une source de pouvoir à El Mouradia, mais au moins deux, et que celle de Saïd a affirmé sa suprématie sur celle de son frère dont on ne sait rien de précis.» Le soutien de Saïd Bouteflika au milieu des affaires n'a rien de surprenant de par les liens de proximité qui les lient, mais jusqu'à présent le frère a toujours pris soin de ne jamais s'afficher publiquement en leur compagnie, préférant les salons feutrés des villas des hauteurs d'Alger pour les rencontrer. De plus, le conseiller spécial du chef de l'Etat a toujours préféré agir dans l'ombre. «La mise en scène d'El Alia à deux buts, analyse un ancien haut responsable. D'abord, désavouer publiquement le Premier ministre Tebboune et ne pas couper le lien avec le milieu des affaires dont Saïd a toujours veillé à faire gagner beaucoup d'argent à ceux qui soutiennent le Président et lui ont ouvert les portes du capitalisme.» Dans ce jeu de quilles, c'est le Premier ministre qui est en première ligne et sort affaibli dans son bras de fer avec Ali Haddad, patron de l'ETRHB et président du FCE. Si les jours de Tebboune à la tête du gouvernement ne paraissent pas dans l'immédiat remis en cause, beaucoup lui prédisent au mieux de tenir jusqu'à la fin de cette année. «Tebboune ne va pas être viré tout de suite, car cela aurait mauvais effet sur l'opinion publique, affirme un ancien ministre. Par contre, je ne vois pas comment il pourra le maintenir pour la préparation de la présidentielle de 2019, d'autant que les candidats pour le remplacer ne manquent pas, à commencer par le ministre de l'Intérieur, Noureddine Bedoui.» En attendant, la machine est lancée contre le Premier ministre. Ses vacances à Nice sont rapportées par le site en ligne Alger1.com où l'information sur sa rencontre hier avec le Premier ministre français, Edouard Philippe, a donné lieu à une passe d'armes entre Ennahar affirmant sur son site en ligne qu'elle a été organisée à la demande de Abdelmadjid Tebboune, et les services du Premier ministre qui assurent au contraire que le rendez-vous entre les deux hommes a eu lieu à «la demande» du Premier ministre français. «La campagne contre Tebboune est brutale et va continuer à l'être, analyse un ancien ministre. Tous les relais du pouvoir et des hommes d'affaires sont mobilisés pour lui casser les reins.»