Ali Haddad, ému de voir le frère du Président arriver, s'éloigne du mur auquel il était adossé et se précipite pour l'accueillir. Ce dernier lui donne une accolade bien appuyée. L'enterrement, hier, au cimetière El-Alia, à Alger, de l'ex-chef de gouvernement, Rédha Malek, s'est transformé en un véritable show politico-médiatique visiblement bien orchestré pour donner l'impression à l'opinion publique que "tout va bien" et que les derniers développements survenus sur la scène politique ne sont rien que des affabulations. Cela, pour le message. La réalité des choses peut, cependant, être tout autre. Disons que les apparences sont sauves. Les trois hommes, à savoir le frère conseiller du président de la République, Saïd Bouteflika, le président du Forum des chefs d'entreprise, Ali Haddad, et le secrétaire général de la Centrale syndicale UGTA, Abdelmadjid Sidi-Saïd, se sont bien mis en évidence, dans ce qui s'apparente à une mise en scène bien réfléchie. Le déroulement des faits laisse le supposer, et ne laisse en tout cas que peu de place à la coïncidence. Vers midi arrive le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE). Seul. Il venait de sortir de la réunion avec le Premier ministre, en prévision de la tripartite dont la date est prévue pour le 23 septembre prochain à Ghardaïa. Après une pluie de flashs, Ali Haddad, tout sourire, se met en retrait et s'adosse au mur du cimetière attenant au salon d'honneur du cimetière. Visiblement gêné par tous les regards braqués sur sa personne, il montrait des signes d'agacement, supportant mal le fait d'être le centre d'intérêt des médias. Il a, en effet, ravi la vedette aux centaines de personnalités présentes ce jour à El-Alia. Cela ne durera pas longtemps. À peine 10 minutes plus tard, une personnalité de haut rang vient le délivrer de son agacement, mieux, lui redonner le sourire : le frère du Président, Saïd Bouteflika. Contrairement à d'autres personnalités venues assister à l'enterrement, ce dernier n'arrête pas son véhicule devant le salon d'honneur. Il a préféré faire le créneau plus loin pour revenir au point de chute de toutes les personnalités et descendre justement devant Ali Haddad. Celui-ci, ému de voir le frère du Président arriver, s'éloigne du mur auquel il était adossé et se précipite pour accueillir l'homme qui lui donnera une accolade bien appuyée, lui qui n'avait pas eu droit, il y a trois semaines, à celle du Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, à l'Ecole supérieure de la Sécurité sociale. La scène ameute les photographes de presse. Les deux hommes semblent aimer. Cernés par une cinquantaine de photographes et de cameramen, ils se laissent filmer volontiers. Le show, c'en est un, est bien exécuté. Par moments, Saïd Bouteflika a dû se contraindre à d'autres sollicitations qui ne participent pas de ce qui s'apparente à un scénario politique bien préparé. Il est interpellé par un jeune venu lui exprimer "le soutien du comité de Béjaïa au président de la République". Après, c'est un père de famille, manifestement touché par la précarité, qui parvient jusqu'à lui pour lui remettre un courrier. "S'il vous plaît, mes enfants ont faim !", suppliait le père de famille. Saïd Bouteflika gère. "On verra ça. Je suis venu pour un enterrement", tente-t-il de rassurer. Il reprend son conciliabule avec Ali Haddad. La discussion se prolonge pendant 15 minutes, avant que le patron de la Centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi-Saïd, qui était jusqu'alors dans le salon d'honneur, ne les rejoigne. Les trois hommes sont bombardés par une pluie de flashs. Cela va durer jusqu'au moment des obsèques. C'est certainement significatif de quelque chose. Le Premier ministre, qui a eu maille à partir avec Ali Haddad et même Sidi-Saïd qui s'est montré solidaire du président du FCE, avait affirmé, devant des chefs d'entreprise qu'il a reçus, après le conclave de l'hôtel El-Aurassi des signataires du pacte économique de croissance, qu'il agissait au nom de Bouteflika. En s'affichant avec Saïd Bouteflika, les deux hommes n'ont-ils pas travaillé à démentir le propos de Tebboune ? En tout cas, Ali Haddad a tout fait pour paraître "collé" au frère du Président. En se dirigeant vers le Carré des martyrs, il a, à tout prix, voulu figurer dans la première rangée aux côtés de Saïd Bouteflika, et non loin de M. Tebboune. FARID BELGACEM