Le limogeage de Abdelmadjid Tebboune est accueilli différemment, que l'on soit à l'intérieur, proche du système ou dans l'opposition. Si des personnalités de l'opposition reprennent la rhétorique sur un «système sans stratégie» «empêtré dans ses contradiction» et aux mains des forces de l'argent, des personnalités du système saluent, comme attendu, la décision. En conflit avec Tebboune, le président du FCE, Ali Haddad, s'est empressé de présenter ses «chaleureuses félicitations» au nouveau locataire du palais Dr Saâdane. Dans une déclaration publiée sur son compte Facebook, le président du FCE, qui ne dit mot sur Tebboune, «réitère sa disponibilité» à travailler avec Ouyahia «dans la concertation et le dialogue». «Servir le pays est notre objectif suprême. Nous travaillerons ensemble pour construire une économie durable et concurrentielle qui garantit à l'Algérie et à ses citoyens une vie prospère», écrit Haddad quelques minutes après l'annonce de la nomination d'un nouveau PM. L'ancien président de l'APN, d'obédience FLN, Abdelaziz Ziari, est élogieux à l'égard du secrétaire général du RND. «Ahmed Ouyahia a les qualités et les capacités pour gérer la situation dans laquelle nous sommes et pour faire face aux difficultés que nous rencontrons actuellement sur le plan économique et social», estime-t-il. Les partis de l'opposition sont moins satisfaits. Sofiane Djilali parle d'un «coup d'Etat rampant» qui se réalise à la faveur du limogeage de Tebboune. «Le coup d'Etat dont nous avions déjà parlé dans notre dernier communiqué vient de se concrétiser. Le Président n'a pas dit un mot, ni rencontré son peuple. Le Président devrait être sous le coup de l'article 102 de la Constitution. Le Président est hors-champ, mais cela n'enlève rien à sa responsabilité. La mafia politico-financière et le clan présidentiel ont fait main basse sur le pays», assène Sofiane Djilali. Pour le secrétaire national chargé du pôle communication au FFS, Hassan Ferli, «le système navigue à vue sans aucune vision ni perspective». «C'est la première fois dans l'histoire du pays qu'un Premier ministre est limogé au bout d'un peu moins de trois mois. Cela renseigne sur la crise grave que vit le système. Le Premier ministre a présenté le plan d'action qui est censé être celui du Président. Le système est empêtré dans ses contradictions. La crise est réelle et le pouvoir n'apporte rien, mais constitue un facteur aggravant. Le danger sur le pays est important, surtout avec un contexte régional difficile», constate M. Ferli. Pour Yassine Aissaouene, chargé de communication du RCD, rien n'étonne dans la décision prise de mettre fin aux fonctions du désormais ex-Premier ministre. «Cela dénote d'une anarchie générale au sommet de l'Etat. Tout cela met en danger la nation. Le régime n'a pas de respect pour les Algériens. Il y a une grave instabilité. On a eu un ministre du Tourisme limogé au bout de 24 heures, et maintenant on met fin aux fonctions du Premier ministre 2 mois et 20 jours après sa nomination», relève M. Aissaouene. Pour le chargé de communication et député, «Ouyahia est connu des Algériens comme étant l'homme des sales besognes. C'est un serviteur zélé du régime». La «valse des Premiers ministres ne peut en aucun cas être la solution à l'impasse politique que connaît le pays», estime le porte-parole de Talaie El Hourriyet, Ahmed Adimi. «Il demeure encore une fois que l'autorité de nomination et de limogeage reste invisible. Les forces extraconstitutionnelles que notre parti n'a jamais cessé de dénoncer profitant de la vacance du pouvoir à la tête de l'Etat, continuent d'usurper les prérogatives présidentielles.(…) L'Algérie est en danger, elle est menacée dans sa stabilité et sa sécurité nationale», estime M. Adimi. La succession expliquerait ce changement brusque à la tête du gouvernement. Pour Samir Larabi, activiste, le limogeage de Tebboune entre dans le cadre d'un conflit entre les clans du même système pour préparer la succession au chef de l'Etat en 2019.