On est à court de superlatifs dès qu'on se met à commenter le concert donné par Ali Amrane, dimanche soir à Béjaïa, en clôture de la 15e édition du Festival de la chanson amazighe. Mémorable, unique, magnifique, inoubliable…, il n'y a pas un mot qui soit assez fort pour décrire l'ambiance électrique qui a régné ce soir-là. La vedette de la chanson pop-rock kabyle a mis le feu aux poudres et libéré une énergie «atomique» chez son public, présent en grand nombre sur le plateau du Palmier, près du siège de la wilaya. Avec une prestation musicale et scénique qui n'a rien à envier aux plus grandes stars de rock de ce monde, Ali Amrane a su faire opérer la magie et donner du relief à un festival qui connut des moments de platitude. Le public est entré dans un état second, pour ne pas dire en transe, dans une atmosphère chargée de décibels, de sonorités, de lumières, de feux d'artifice, d'applaudissements, de cris de joie, d'émotion, bref, d'une tout autre ambiance. Des inconditionnels sont venus des quatre coins de la wilaya et de toute la Kabylie. Ils ont partagé le site moitié-moitié avec les familles, fidèles au poste chaque soir. Très bon réflexe d'ailleurs des organisateurs cette année, lesquels ont corrigé une erreur vieille de plusieurs éditions, à savoir celle de reléguer le public jeune en arrière-plan. Tout ce beau monde a repris en chœur chacune des chansons de l'auteur de Khali Slimane, environné d'un staff musicien jeune, talentueux et énergique. Ali Amrane a interprété son plus beau répertoire, dont Aqlalas, voulehmum, Anfas Ituzyint ad fegh it cousint (laisse la belle sortir de la cuisine), Tavalizt nouvelle version, Achawrar (le mélomane), Tilufa (les aléas), etc. et beau finish ébouriffant, avec la version classique de Tavalizt sous les youyous stridents des femmes et les cris d'Imazighene. Au milieu du concert, le quart d'heure d'émotion. Un grand homme est aux premières loges. La folle rumeur l'a donné pour mort, mais il est là, bien vivant, et ne rate pas une miette de la soirée.
Vibrant hommage à Djamel Allam «Djamel Allam est un grand homme, c'est un grand artiste, c'est lui qui nous a montré la voie», dira d'emblée Ali Amrane au micro. Avec comme seul appui le doux roulement d'un bendir et secondé par la voix d'Akli D., Ali Amrane rend un vibrant hommage à Djamel Allam, en interprétant l'une de ses chansons phare dédiée aux moudjahidine, Tiziri. L'émotion est à son comble, Djamel Allam écrase une larme. On retiendra par ailleurs de cette soirée la montée sur scène de Yuva Sid, appelé par Ali Amrane à la guitare, la première après plusieurs années de séparation entre les deux musiciens. Le talentueux Yuva, adulé par les jeunes pour la force de ses solos fabuleux, a apporté sa touche «métallique» à la soirée. On notera aussi le passage de Mamou Benzaïd, un autre représentant de la chanson kabyle moderne, qui monte rarement sur scène, mais qui ferait mieux de multiplier ses apparitions tant il a tout pour plaire. Lors de ce gala de clôture, des musiciens ayant participé au concours habituel du festival ont été primés. Jugés sur leurs aptitudes à manier différents instruments musicaux, ils sont montés sur scène pour recevoir des prix de distinction. Il s'agit de Bourmani Nabil (derbouka), Tabet Abdelghani (târ), Chérifi Malek (banjo ténor), Bayou Yacine (banjo guitare) et, enfin, Barhami Ferhat (violon). La 15e édition du Festival de la chanson amazighe s'est terminée sur cette note d'espoir : le public, qui s'est fait nombreux chaque soirée, a montré qu'il est attaché à la chose culturelle. Les organisateurs du festival, le comité des fêtes en l'occurrence, promettent une 16e édition encore plus intéressante. «Il y aura des surprises pour la prochaine édition. On invitera d'autres chanteurs que vous aimez», a promis Malek Bouchebah. A rappeler que le festival a vu défiler sur scène des artistes de renom, tels que Akli D. les frères Djemaï, Samira Brahmia ou encore Massa Bouchafa. Desz étoiles montantes de la chanson kabyle étaient aussi de la partie, à l'image de Mounia Aït Meddour et Boubekeur Kherraz. Il est à rappeler enfin que, lors de cette édition, plusieurs artistes ont été honorés. Il s'agit de feu Kessaï Loucif dit Loucif Al Assima, Rachid Bencheikh, feu Mekbel Boualem, Tahar Khelfaoui et Mohamed Yargui.