Moins de trois mois après la violente polémique générée dans le monde musulman par son discours de Ratisbonne dans lequel il a associé islam et violence, le pape Benoît XVI vient de clore une visite en Turquie sous les meilleurs auspices. A partir de quelques gestes bien placés et de quelques paroles bien pesées au cours de ses trois jours de visite chaleureuse, le pape a replacé les choses dans leur véritable contexte, c'est-à-dire celui d'un dialogue interreligieux de paix et de compréhension mutuelle. Le geste historiquement fort qu'à eu le chef de l'Eglise catholique à l'intérieur de la Mosquée Bleue d'Istanbul, lorsqu'il s'y est recueilli en direction de La Mecque, a ému le monde musulman. C'est un geste de paix, un acte d'une haute teneur symbolique, qui va bien au-delà de simples excuses verbales que les déçus de tout bord n'ont cessé de réclamer à cor et à cri. Entre le Benoît XVI de Ratisbonne où il semblait s'être exprimé en universitaire, quasiment en penseur libre, ce qui est contre les usages traditionnels de la papauté, et celui d'Istanbul où le chef de l'Etat du Vatican s'est enfin paré de sa dimension papale suivi, observé et écouté qu'il était dans son périple turc par des milliards de croyants, un vent de bon sens a visiblement traversé la place Saint-Pierre de Rome. En vérité, les conseillers de Benoît XVI n'ont cessé, depuis l'écart verbal de Ratisbonne qui a ébranlé le monde musulman, de remettre les choses à leur place en tentant, par ces temps très agités, d'arrimer la démarche papale à l'héritage du défunt pape Jean-Paul II, que d'aucuns reconnaissent dense et honorable. Les musulmans se souviennent, en effet, que celui-ci a été le premier souverain pontife, en 2001, à pénétrer dans un de leurs lieux de culte, la mosquée des Omeyyades de Damas en l'occurrence. Istanbul, point géographique idoine et lien ombilical puissant entre diverses communautés religieuses associant l'Orient à l'Occident, a servi de scène de théâtre du monde d'où, finalement, personne n'est sorti déçu. Le pape s'y est non seulement réconcilié avec les musulmans, mais a également fait un pas remarqué en direction de l'Eglise orthodoxe, en brouille avec sa sœur catholique depuis mille ans. Il y a également révisé son attitude vis-à-vis de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, consacrant le rapprochement des peuples et des cultures. Mais il est indéniable que le regard d'un musulman et d'un chrétien tourné vers La Mecque en observance d'un dieu unique et le cœur plein d'amour est une image tout aussi inattendue dans ce monde de brutes que réconfortante pour l'avenir du dialogue interreligieux et de la coexistence pacifique. Honorablement et avec une grande humilité, Benoît XVI a démontré que, quand les hommes veulent se retrouver dans l'amour et la fraternité, il n'y a qu'un petit pas et qu'un petit geste à faire…