Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, entame officiellement la plaidoirie en faveur du recours au financement interne non conventionnel. Lancée comme une idée vague à l'occasion de la cérémonie d'ouverture de la session ordinaire du Parlement, le 4 septembre dernier, la mesure est détaillée dans le plan d'action du gouvernement qu'il aura à défendre, dans quelques jours, devant les parlementaires. «L'introduction du financement non conventionnel est l'objet d'un projet de loi portant amendement de la Loi sur la monnaie et le crédit. Elle sera mise en œuvre à titre exceptionnel, pour une période transitoire de 5 années, et permettra au Trésor d'emprunter directement auprès de la Banque d'Algérie, pour faire face au déficit budgétaire, convertir certaines de ces dettes contractées auprès de banques ou d'entreprises publiques, et alimenter le Fonds national de l'investissement, de sorte qu'il puisse concourir au développement économique», lit-on dans ce document, dont nous détenons une copie. Expliquée par les économistes comme étant une démarche qui mettra en branle la planche à billets, cette mesure, ajoute-t-on dans le même document, sera appliquée en parallèle avec une autre mesure : «L'Etat poursuivra la mise en œuvre de sa feuille de route pour la rationalisation des dépenses publiques en vue de la restauration de l'équilibre budgétaire dans un délai de cinq années.» Pour le Premier ministre, «ces deux démarches écarteront le risque de toute dérive inflationniste», que craignent l'ensemble des citoyens compte de tenu de ses conséquences sur leur pouvoir d'achat. Pour faire avaler cette «grosse couleuvre» à tous les Algériens, Ahmed Ouyahia recourt à une gymnastique qui consiste à brosser un tableau sombre de la situation économique du pays et à rappeler des expériences internationales en matière de financement non conventionnel. Il se réfère ainsi au Japon, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, soit à des pays ayant des économies vivantes et productrices de richesses. «Une solution inévitable» Afin de justifier ce recours à la planche à billets, le Premier ministre fait une introduction sur la conjoncture financière que traverse le pays. Omettant sciemment d'évoquer la responsabilité des gouvernements auxquels a été confiée la gestion du pays, sous la houlette du chef de l'Etat, le plan d'action estime que la «crise financière découle d'une chute brutale des prix des hydrocarbures». «Depuis 2014, l'Algérie est frappée par cette crise qui s'annonce durable, car rien ne prévoit, à court et moyen termes, un redressement sensible des prix du pétrole», ajoute le Premier ministre dans son texte. Soulignant l'important déficit commercial (plus de 20 milliards de dollars) et le déficit de la balance des paiements (plus de 26 milliards de dollars, Ahmed Ouyahia affirme que l'Algérie demeure économiquement souveraine grâce aux réserves de change accumulées. «Mais ces réserves de change fondent sans cesse, passant déjà de 193 milliards de dollars en mai 2014 à 105 milliards en février 2017», précise-t-il, affirmant que «la situation des finances publiques est préoccupante et demeure extrêmement tendue au niveau du budget de l'Etat». «L'année 2017 sera clôturée avec des difficultés réelles, alors que l'année 2018 s'annonce plus complexe encore», souligne-t-il. Ce faisant, le premier responsable du gouvernement estime que l'Algérie est désormais au pied du mur : «En l'absence de solutions nouvelles, les risques sur le pays seraient soit une incapacité à assurer la dépense publique avec des conséquences économiques, sociales et même politiques périlleuses pour le pays, soit alors un processus de perte de souveraineté économique, commençant par un recours massif à l'endettement extérieur avec, à moyen terme, une incapacité à honorer le service de cette dette, entraînant le recours aux institutions financières internationales, en contrepartie de mesures économiques et sociales draconiennes. L'Algérie a déjà vécu cette situation dans les années 1990.»