Malgré la tournure qu'il vient de prendre, et cette tendance peut s'aggraver avec une régionalisation aussi dangereuse que meurtrière, le conflit irakien est de ceux qu'il faut semble-t-il aborder avec beaucoup de précautions, beaucoup plus dans le choix des mots et des concepts. Ainsi en est-il de l'expression guerre civile réfutée par les administrations américaine et irakienne, mais à la vérité incontestée selon de nombreux cercles, y compris en Irak et aux Etats-unis. Ou encore d'une implication des pays voisins que l'administration américaine laisse à l'appréciation des autorités irakiennes. Ce qui revient presque à parler d'internationalisation de la guerre — c'est déjà fait à travers la coalition internationale — et de son règlement, récusée cette fois par le chef du plus puissant parti chiite irakien, le Conseil suprême de la révolution islamique irakienne (CSRII) dont le chef effectue depuis hier un voyage aux Etats-unis, au caractère inédit. Abdel Aziz Hakim a violemment critiqué samedi à Amman la proposition du secrétaire général de l'ONU pour une conférence internationale sur l'Irak. « Nous pensons qu'il n'est pas raisonnable ou correct de discuter de questions relatives à l'Irak dans le cadre de conférences internationales », a-t-il dit lors d'une conférence de presse, peu avant son départ pour Washington où il doit rencontrer demain le président américain George W. Bush. M. Hakim a affirmé que cette rencontre avait été « préparée longuement à l'avance ». « Nous allons discuter des développements de la situation en Irak afin de l'analyser ensemble, les Etats-Unis ayant une présence importante en Irak et une influence sur le cours des événements », a-t-il dit. « Il y a de nombreuses questions qui nécessitent d'être discutées et clarifiées, et qu'elles fassent l'objet de décisions », a-t-il dit autre précision. M. Hakim s'est contenté d'affirmer qu'il allait « soumettre des idées au président Bush (...) comme nous l'avons fait avec le roi Abdallah de Jordanie ». Avant la rencontre entre le président américain et le Premier ministre irakien Nouri al Maliki, jeudi à Amman, le roi de Jordanie avait eu une série d'entretiens avec des responsables irakiens, dont M. Hakim. Il a qualifié la proposition du secrétaire général de l'ONU, formulée la semaine dernière, d'« irréaliste et illégale ». Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a préconisé la tenue, avec l'aide de l'ONU et à un moment approprié, d'une conférence internationale de paix sur l'Irak réunissant toutes les factions irakiennes. « Je pense que ce serait utile d'avoir une conférence qui réunisse tout le monde, sur le modèle de ce que nous avons fait dans l'ex-Yougoslavie et dans d'autres cas », a dit M. Annan. M. Hakim dirige l'Alliance unifiée irakienne, la coalition chiite qui a remporté les dernières élections et compte 130 députés (sur 275), dont 30 du CSRII. « Nous avons un processus politique et notre gouvernement est un des plus forts dans la région en raison de sa base populaire avec 12 millions d'électeurs », a ajouté M. Hakim soulignant l'inutilité d'une telle conférence. « Ce gouvernement a été formé sur la base coalition et il est donc inacceptable pour le peuple irakien que ses questions soient débattues dans des conférences internationales. » Il a qualifié le « problème irakien de politique et non confessionnel ». « Des Irakiens de différentes confessions vivaient en harmonie depuis des centaines d'années, et il n'y a jamais eu de confrontation entre eux », a-t-il ajouté. Est-ce le cas actuellement ? Là est toute la question d'autant que les affrontements inter-ethniques ne font que s'accentuer, avec un bilan qui dépasse de loin, celui lié à l'occupation. Quelle sortie de crise alors ?