L'expression «le diable est dans le détail», prêté au philosophe allemand Nietzsche, s'applique à la phase actuelle du dialogue inter-libyen. Les parties libyennes étant déjà d'accord, avant même de venir à Tunis, sur le contenu général des trois problématiques constituant l'essentiel de l'ordre du jour des négociations, à savoir la réduction du Conseil de la présidence du gouvernement à trois personnes, l'abrogation de l'article 8 de l'accord de Sekhirat et une approbation plus consensuelle du projet de la Constitution. Les cinq premiers jours des tractations de Tunis n'ont pas encore permis de trouver les bonnes formulations des nouveaux articles proposés. Un accord est presque déjà acquis sur le maintien de Fayez Sarraj à la tête du Conseil de la présidence en Libye. Sarraj représentera Tripoli et l'Ouest libyen. Toutefois, rien n'est encore décidé concernant les représentants du Sud et de l'Est. Le nom de Abderrahman Chalgam, l'ancien dirigeant libyen sous El Kaddafi, a certes circulé pour représenter le Sud dans le Conseil de la présidence. Mais, la commission du dialogue inter-libyen affirme qu'elle n'est pas encore parvenue à la phase des nominations. L'envoyé spécial de l'ONU, Ghassen Salame, a demandé à chaque clan de présenter trois noms, réduisant ainsi le champ du choix à six personnes, pour en faire ressortir trois. Spéculations Le même flou accompagne la question de l'article 8 sur l'autorité de nomination du Commandement général de l'armée. Les parties libyennes sont toutes d'accord sur l'abrogation de l'actuelle formulation qui accorde la tutelle de l'armée nationale au président du Conseil de la présidence. Haftar et l'Est libyen s'attachent aux prescriptions de la petite Constitution, rédigée en 2011 du temps du Conseil national de transition, qui attribue cette tutelle au président du parlement. « En deux mots, le Maréchal Khalifa Haftar ne veut pas se voir démis par une simple décision de Sarraj », explique le politologue Ezzeddine Aguil. La formule consensuelle possible serait d'attribuer cette tutelle au trio du Conseil de la présidence, alors que Haftar serait ministre de Défense Commandant en chef des armées. Les interrogations restent entières sur la position de Haftar par rapport à cette proposition. « Elle dépendra en grande partie du représentant du Sud libyen. Si c'est une personnalité soutenant Haftar, ce dernier va accepter la formule, étant sur de l'allégeance du représentant de l'Est », répond Ezzeddine Aguil. Mais, en politique, les données sont plus complexes et c'est pour cela que cinq jours n'ont pas été suffisants pour changer trois ou quatre formulations. Concernant le gouvernement, la proposition retenue dans la nouvelle feuille de route de la transition libyenne, consiste à le séparer du Conseil de la présidence, posant en entier la question des attributions de chacune des autorités : Conseil de la présidence, gouvernement, parlement et haut Conseil de l'Etat. Le Conseil de la présidence est théoriquement la plus haute autorité en Libye mais il ne s'occupe que des grands chantiers politiques (diplomatie, lutte contre le terrorisme, élections, nominations, etc.). Le gouvernement est nommé par le Conseil de la présidence ; il est formé de technocrates et assure la mise à niveau du quotidien des Libyens. L'idée retenue refuse le principe du régionalisme et clanisme.
Réactions La quasi-totalité des clans libyens est, jusque-là, optimiste par rapport aux pourparlers de Tunis qui ont l'avantage d'être directs et d'avoir été précédés par de longues tractations qui ont considérablement réduit les divergences. Du coup, cet optimisme est exprimé par le chef de l'Alliance des Forces Nationales, Mahmoud Jibril, grand vainqueur des élections de 2012. « A la différence de l'accord de Sekhirat de décembre 2015, l'actuelle feuille de route n'écarte personne et traduit les équilibres réels du terrain », a dit Jibril dans une conférence de presse à New-York en marge de la réunion sur la Libye.Même son de cloche du côté de Abderrahmane Souihli, président du Haut comité de l'Etat, instance créée par l'accord de Sekhirat pour faire représenter les membres du Congrès National Général. Souihli affirme que les réunions de Tunis constituent une occasion historique pour résoudre la crise libyenne. Par ailleurs, le même optimisme est partagé à l'échelle régionale et internationale. L'Algérie, l'Egypte et la Tunisie n'ont cessé de dire que, seules, des négociations inter-libyennes directes peuvent aboutir à une solution viable. Ces négociations se déroulent, pour le moment, en terre tunisienne. Mais, en deuxième phase, une conférence nationale se tiendra en Libye, où tout le monde est invité. La ville libyenne, pouvant abriter une telle conférence, n'a pas été encore choisie.