L'écrivain Kamel Daoud, accusé d'appartenance au GIA, décide de déposer plainte contre l'auteur et son éditeur. Rappelant les «habitudes virulentes» de son accusateur, Daoud réagit cette fois à une «diffamation grave» et une «insulte» à la «mémoire blessée» de toute une génération. Les graves accusations formulées par l'écrivain Rachid Boudjedra dans son pamphlet Les Contrebandiers de l'histoire, publié par les Editions Frantz Fanon, font réagir les premiers concernés. L'écrivain Kamel Daoud, accusé d'appartenance au GIA, décide de déposer plainte contre l'auteur et son éditeur. Rappelant les «habitudes virulentes» de son accusateur, Daoud réagit cette fois à une «diffamation grave» et une «insulte» à la «mémoire blessée» de toute une génération. «J'ai tout accepté de cet écrivain aîné et admiré : même les propos faux, les exagérations, les dérives, et ce, depuis des années déjà. Mieux : je l'ai soutenu sans réserve lorsqu'il a été piégé de manière abjecte il y a quelques mois par la chaîne de télévision Ennahar TV. Mais je ne peux admettre d'être confondu avec une bande de tueurs», regrette-il. L'auteur de Zabor... rappelle à l'adresse de l'auteur du brûlot : «Durant les années du GIA, j'étais journaliste, exerçant ce métier qui a payé de ses martyrs sa vocation. Je n'avais pas un couteau, mais un stylo.» Yasmine Khadra, entre autres auteurs accusés de penchant néocolonialiste dans le pamphlet, a décidé, lui-aussi, de réagir par un message publié sur sa page Facebook. L'ancien officier de l'armée assène ses vérités à son détracteur qui raconte avoir porté en plus d'une perruque deux capsules de cyanure en sortant à Alger. «Tu me traites de bougnoule de service ? Sache que suis boycotté par l'ensemble des institutions littéraires de France depuis 2008. Tu contestes mon algérianité ? Je te rappelle que lorsque tu te terrais à Paris durant la décennie noire, je menais une guerre atroce dans les maquis terroristes. Sans mes compagnons de combat et mes milliers de morts, jamais tu n'aurais remis les pieds en Algérie», lâche Khadra qui rappelle son palmarès d'écrivain reconnu. L'auteur de L'Imposture des mots porte l'estocade : «Au lieu de passer ton temps à traîner dans la boue les étoiles du ciel, Rachid, tâche de soigner tes textes. Notre pays a trop souffert des jalousies crétines et des anathèmes». Il conclut magistralement : «Puisse Dieu pardonner tes aigreurs puisque je te pardonne. Avec tout mon chagrin». L'éditeur Amar Ingrachen qui a publié Boudjedra dans sa collection «Mise au point», réagit aux accusations en déplorant que certains acteurs culturels noient «le débat sur la culture algérienne et sa souveraineté morale». «Les Editions Frantz Fanon sont un espace de débat ouvert à toutes les sensibilités et toutes les opinions et, à ce titre, elles tiennent à préciser qu'elles n'ont aucun compte à régler avec personne, encore moins avec l'auteur de Zabor ou les psaumes auquel elles viennent de consacrer un ouvrage collectif coordonné par l'universitaire Boukhalfa Laouari et préfacé par le professeur Benouda Lebdai et qui regroupe une pléiade de chercheurs algériens, français et anglais», signale l'éditeur dans une «mise au point» publiée sur sa page Facebook. Un brûlot plein d'approximations Dans le livre de Boudjedra, du reste truffé de coquilles, il y a en plus de graves accusations passibles des tribunaux, des petits arrangements avec les faits. Si on peut souscrire à l'idée selon laquelle des réputations littéraires se font et se défont souvent à Paris, il est impossible d'accepter des allégations fausses d'un auteur qui a publié la quasi-totalité de son œuvre en français chez le parisien Denoël, et dont Grasset, son éditeur germanopratin depuis une vingtaine d'années, prendra en charge le dernier roman, La Dépossession. Le lecteur averti ne manquera pas de découvrir ahuri sous la plume fielleuse de Boudjedra que l'écrivain Albert Camus avait une «sœur unique, retardée (sic) mentale, sourde et muette» (p57), dont aucun de ses sérieux biographes du prix Nobel n'a parlé. Ni Herbet Lottman, ni Olivier Todd n'ont évoqué cette sœur cachée, mais ont plutôt parlé d'une mère quasi-sourde et souffrant de difficultés d'élocution. L'auteur, ancien censeur en chef assumé à la SNED, à qui il a donné un seul texte en 1981, l'année de l'entame de son office, a parlé aussi de Jean-Paul Sartre, le qualifiant de dénonciateur de l'Etat dans un livre introuvable, Israël, Etat colonial (p.26) qui l'a fait détester de la «meute formée de ses anciens disciples» (p.51). Si Boudjedra avait lu le très sérieux intellectuel américano-palestinien Edward W. Saïd, il se serait rendu compte que si le préfacier des Damnés de la terre avait certes courageusement soutenu la cause des Algériens, il n'a jamais soutenu les Palestiniens comme l'a fait son contemporain, Jean Genet. Rachid Boudjedra affirme, par ailleurs, que son nom est «interdit de citation» dans le supplément littéraire d'El Watan dont le responsable, Ameziane Ferhani, lui vouerait une «haine viscérale incompréhensible». En sus de l'excellente réponse de Ferhani dans son «Fronton», il faut préciser que Boudjedra avait collaboré durant plusieurs mois dans ce même supplément et que des journalistes du quotidien ont fait des recensions élogieuses de ses romans et l'ont même défendu après l'inacceptable caméra cachée-guet-apens tendue par des journalistes d'Ennahar, dont il a accepté(ra) les invitations. D'autres incorrections et approximations peuvent être citées à l'envi dans le pamphlet que son auteur gagnerait à vite mettre au pilon. On peut être grand écrivain, mais piètre polémiste.