La rentrée littéraire cette année en Algérie est «fracassante» à plus d'un titre. A peine la parenthèse Sila (Salon international du livre d'Alger) et son commissaire qui a cru raconter une blague, en faisant l'éloge de la violence faite aux femmes sur un plateau télé, fermée, voilà qu'on s'engouffre presque sans transition dans… «La répudiation». Son auteur, Rachid Boudjedra, mais dans un autre titre cette fois-ci, «Les contrebandiers de l'Histoire», clashent sans retenue aucune, la nouvelle génération d'écrivains algériens accusés tantôt d'être de piètres écrivaillons à la solde de la France qui plus est, «falsifient l'Histoire», tantôt carrément des éléments d'une organisation criminelle le GIA, pourtant apparentée comme tout le monde le sait, au «Fis de la haine». Mais Rachid Boudjedra qui n'a pas non plus, ces dernières années, épargné ses contemporains à l'image du père de Nedjma, Kateb Yacine qui se serait entouré « de personnes néfastes, de petits théâtreux qui n'avaient rien à voir avec le théâtre et qui ne savaient ni lire ni écrire», au lieu de «relever» le débat d'idées, le débat contradictoire tant souhaité, comme il aurait pu bien le faire, de façon «académique», a, à contrario, provoqué un «schisme» dans le paysage «éditorial» national qu'il faut aujourd'hui repenser en amont et en aval. Avec le pamphlet de Boudjedra, on se rend aisément compte qu'il y a dans l'air, une volonté manifeste de déconstruire un renouveau littéraire en gestation. Bien que ce dernier soit pavé d'imperfections, il s'affirme de plus en plus librement, aussi bien dans le style d'écriture ou dans le choix des thèmes que dans la forme parfois inclassable du «nouveau roman» algérien qui rompt ainsi avec un certain «classicisme» post et pré-indépendance. Alors Rachid Boudjedra jaloux de la réussite éditoriale de ces «écrivaillons» sortis de nulle part mais surtout encensés par la «critique occidentale» ? Sûrement au regard de ses interventions à répétition. Les « élucubrations» de Rachid Boudjedra pour certains, ses accusations pour d'autres ne sont, à notre avis, ni la meilleure manière, encore moins un moyen adéquat pour évoquer la place de la littérature algérienne contemporaine dans la société en général et dans le champ culturel en particulier. Sa capacité à transcender les difficultés auxquelles elle fait face tout en s'éloignant des «scoops» dont parle son éditeur et élever le débat critique tout aussi nécessaire à son évolution, à son épanouissement. Si la liberté d'expression doit être défendue avec acharnement, elle ne doit en aucun cas être un prétexte à la diffamation tous azimuts. Boudjedra qui crie «kilouni» (respectez-moi) à la face des animateurs-bourreaux d'une émission de télévision qui l'ont persécuté jusqu'à lui faire dire des «insanités», et à susciter un élan de solidarité «présidentiel» , ne le sait que trop bien.