Parce qu'elles ont perdu tout espoir de voir leurs bourreaux répondre de leurs actes abominables, les femmes victimes de violence à Hassi Messaoud viennent d'interpeller par écrit le président de la République. Fatiguées par près de trois longues années de bataille juridique, ces femme- courage revendiquent un procès équitable pour que jamais plus d'autres femmes ne subissent ce qu'elles ont enduré durant cette nuit tragique du 13 juillet 2001, à El Haïcha, ce quartier de Hassi Messaoud, où l'impunité et le passe-droit ont régné en maître. Dans une lettre adressée hier au président de la République, ces femmes victimes ont « supplié » le premier magistrat du pays pour qu'il intervienne « rapidement » afin que justice leur soit rendue. « Nous vous supplions de nous aider à résoudre ce cas d'injustice qui a laissé des traces indélébiles au point où certaines d'entre nous ont fini par s'exiler. Nous nous sommes retrouvées seules, sans ressources et livrées à notre sort. Aucune aide, qu'elle soit morale ou matérielle, ne nous a été accordée par les autorités de Hassi Messaoud et de Ouargla et nous nous retrouvons, trois années après, sans aucune réparation judiciaire et sociale... » Les victimes sont revenues sur les conséquences des actes qu'elles ont subis en cette nuit du 13 juillet 2001 en disant : « Après avoir été touchées dans notre honneur et dignité, violées, agressées physiquement, exilées, mises au chômage, nous nous sommes retrouvées lors des procès sans défense juridique. Bon nombre d'entre nous ont fini, après avoir subi des pressions énormes, par pardonner à leurs bourreaux. Aujourd'hui, nous nous sommes retrouvées quelques-unes seulement à vouloir aller jusqu'au bout en dépit du fait que l'ensemble des victimes n'avaient pas d'avocats lors des audiences de première instance (...) Une fois notre affaire atterrie à la cour de Biskra, après l'appel du procureur, nous nous sommes heurtées à d'énormes difficultés financières vu l'éloignement de Biskra par rapport à nos wilayas de résidence. Nous étions incapables de prendre en charge nos déplacements vers Biskra, mais également de constituer un collectif d'avocats pour assurer notre défense devant la cour et faire en sorte de convoquer tous nos bourreaux à la barre (...) Nous vous supplions, Monsieur le Président, de nous délivrer de cette situation et de faire en sorte que ceux qui ont détruit nos vies soient jugés et condamnés afin que plus jamais d'autres femmes ne subissent l'injustice qui s'est abattue sur nous... » Un véritable cri de détresse lancé par des femmes en situation de désespoir quelques jours seulement après le renvoi du procès de leurs bourreaux qui devait avoir lieu à la cour de Biskra. Ces femmes ont été violées, battues, mutilées, certaines enterrées vivantes par une bande de jeunes chauffés à blanc par l'imam de la mosquée de ce quartier qui porte bien son nom El Haïcha (la bête), à Hassi Messaoud. Plusieurs de ces agresseurs, acquittés par le tribunal de Ouargla lors du jugement en première instance, n'ont même pas répondu aux convocations de la cour en cette journée du 18 juin. Rassurés par le cours des audiences du premier procès, notamment après que les lourdes charges retenues contre eux au début ont été abandonnées pour ne retenir que celles de l'attroupement sur la voie publique et atteinte à l'ordre public, les bourreaux étaient très confiants en cette journée du 18 juin dernier. Après le renvoi du procès, les cinq femmes victimes présentes lors de l'audience ont émis le vœu de trouver les moyens financiers pour constituer un collectif d'avocats qui assurera leur défense et à travers elles, celle de toutes les autres femmes qui risquent un jour de se retrouver dans un cas similaire. Un appel à tout le mouvement associatif qui milite pour les droits de l'homme en général et les droits des femmes en particulier.