Plus de 42 720 nouveaux cas de cancers toutes localisations confondues ont été enregistrés au cours de l'année 2015, dont 32 069 femmes et 28 962 hommes, soit une augmentation entre 2 à 3% par rapport à l'année 2014. Ces chiffres présentés hier par le réseau des registres du cancer au niveau national inquiètent de plus en plus les spécialistes. Cette inquiétude concerne également l'incidence jugée très élevée chez la femme, avec une prédominance du cancer du sein, par rapport à l'homme. Les taux d'incidence sont donc respectivement de 71,1 pour 100 000 habitants pour la femme et 17,6 pour 100 000 habitants pour l'homme. Une donnée épidémiologique spécifique à l'Algérie par rapport aux pays voisins, et qui se rapproche des pays européens, relève le Pr Hamdi-Cherif, épidémiologiste et doyen des registres du cancer, en l'occurrence le registre de Sétif. Selon les résultats recueillis par les trois réseaux régionaux, à savoir l'Est, l'Ouest et le Centre, le cancer du sein vient donc en tête chez la femme avec 11 603 nouveaux cas au 31 décembre 2015, suivi du cancer colorectal, le cancer de la thyroïde, cancer du col de l'utérus, la leucémie et autres, alors que chez l'homme l'on retrouve le cancer colorectal en premier avec 3539 nouveaux cas suivi du cancer du poumon et des bronches, de la vessie et de la prostate. Au total, le taux d'incidence standardisé pour les deux sexes est de 106,8 pour 100 000 habitants. Le Pr Hamdi Cherif a souligné au vu de ces résultats qu'il y a une caractéristique épidémiologique, notamment chez la femme jeune, car l'âge médian des femmes atteintes du cancer du sein varie entre 47 et 50 ans. Une donnée qui nécessite une étude épidémiologique pour une meilleure explication du phénomène, car le cancer du sein est au stade épidémique, a relevé le Pr Hamouda de l'INSP. Elle estime qu'il y a un profil épidémiologique spécifique à notre région en comparaison avec les autres pays, notamment l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. «Dans d'autres pays, l'incidence est généralement la même, que ce soit chez l'homme ou la femme, voire parfois plus élevée chez l'homme, alors que chez nous il y a une forte prédominance chez la femme», a indiqué le Pr Hamouda, et de signaler que l'incidence est aussi différente entre le Nord et le Sud et le réseau Centre. Les résultats ont montré, a-t-il précisé, que l'incidence de ces cancers prédominants est plus basse dans les wilayas de l'extrême sud du réseau Centre, où l'on a enregistré 21 276 cas et qui regroupe, entre autres, Ghardaïa, Médéa, Blida, Tizi Ouzou, Alger, Tipasa... Elle a, par contre, relevé une régression du cancer du col de l'utérus, qui arrive en cinquième position, une donnée similaire pour les deux autres registres. Elle préconise ainsi une consolidation du système de surveillance, avec un personnel dédié au recueil et à améliorer les performances et la qualité des données. Des recommandations appuyées par le Pr Fouatif responsable des registres de la région Ouest et du Sud-Ouest, où 6410 nouveaux cas ont été répertoriés, dont 3745 femmes et 2665 hommes, sans compter les nouveaux cas enregistrés dans les wilayas où les registres ne fonctionnent pas. Il a ainsi insisté sur la formation d'enquêteurs permanents, notamment sur la collecte des données. Ces registres, a précisé le Pr Hamdi-Cherif, sont des outils de surveillance sur l'impact de la prise en charge du cancer en général et pour évaluer certains paramètres liés au stade de la maladie, à la durée de survie, etc. C'est également un moyen de se projeter dans l'avenir, a-t-il insisté, d'autant que 50 034 nouveaux cas sont prévus en 2020 et 61 000 en 2025. «Devant une telle situation, ce qui reste à faire est bien sûr la lutte contre les facteurs de risque aujourd'hui identifiés. Nous sommes arrivés à mi-parcours avec la mise en œuvre de ce registre indiqué dans l'axe 6 du Plan cancer 2015-2019, il nous reste à consolider et à mettre en place des outils, évaluer, surveiller et proposer des stratégies d'action en matière de prévention et de détection précoce de ces cancers afin de les réduire, objectif principal du plan cancer», a-t-il conclu. Pour le ministre de la Santé, le pr Mokhtar Hasbellaoui, les structures hospitalières sont dotées de moyens thérapeutiques nécessaires pour la prise en charge des citoyens et des instructions ont été données pour améliorer la collecte de l'information sanitaire. «Ce qui constitue la base d'une politique de santé. Le dossier électronique du patient est lancé à Sétif comme wilaya pilote et nous travaillons pour qu'il soit généralisé», a indiqué le ministre aux DSP.