Adlène Meddi, notre collègue d'El Watan et auteur de Casse-tête turc (2002), La prière du Maure (2008), ayant coécrit Jours tranquilles à Alger : chroniques, vient de publier un nouveau roman intitulé 1994, aux éditions Barzakh. Pour ce faire, Adlène Meddi a présenté, vendredi après-midi, à la librairie L'Arbre à dire, au désormais 48, boulevard Sidi Yahia, Hydra, à Alger -la bonne et cosy adresse livresque nouvellement étrennée- son tout chaud et croustillant livre, 1994. Et ce, en présence de l'éditeur de Barzakh, Sofiane Hadjadj, et devant un aréopage constitué de journalistes et surtout d'amis venus le congratuler et bien sûr, se faire dédicacer 1994. D'emblée, Adlène Meddi annonce la couleur. Celle de 1994. Un roman noir, par opposition aux différentes dénominations qu'on pourrait lui accoler. «Thriller politique», «Polar militaro-politique» ou autre sous-genre. C'est la suite, en fait, du roman La prière du Maure (2008). 1994 est une année pas du tout «blanche», mais plutôt noire, pour l'auteur. Une date l'ayant marqué. Une date «charnière», sans jeu de mots. Une annus horriblis. C'était la guerre civile. Le climat mortifère. Et son lot quotidien de morts, une hécatombe. Mais Adlène Meddi ne fera pas dans l'exutoire post-traumatique, voire la victimisation de la bipolarisation d'alors. Les terroristes islamistes et les forces de sécurité, les militaires. Et les citoyens pris «en sandwichs». Il mettra à contribution les codes du polar avec esthétique, précision et intensité. Et le lecteur sent cette évolution allant crescendo, sans tomber dans les digressions et autres référents à cette année, 1994, au plus fort du terrorisme sanglant.
TRANCHES DE VIE Le pitch ? La trame ? La quatrième de couverture résume la teneur du roman. 1994 : c'est l'année où tout bascule pour quatre jeunes lycéens d'El Harrach. Le pays est à feu et à sang, lorsque ces adolescents décident de former, avec leurs propres moyens, un groupe clandestin de lutte antiterroriste. 2004 : on retrouve deux d'entre eux, Amin et Sidali, dont les pères, Fares et Zoubir (général au sein des services spéciaux), ont eux aussi fait partie, pendant la guerre de Libération, d'un même réseau de résistance. Amin, interné à l'hôpital psychiatrique de Blida, est placé sous surveillance, Sid Ali, arrêté par les services. Dix ans après les premières actions du groupuscule, leur cas intéresse encore Aybak, le terrifiant ex-coéquipier de Zoubir… Des tranches de vie, des destins croisés-détruits- entre espoir et désespoir, détresse humaine et rage de vivre…Le roman aurait pu s'intituler Avoir 20 ans à El Harrach, la fin de l'innocence. Mais où les comparses de saison en enfer, 1994, ne sont pas présentés comme des «losers». L'autre personnage omniprésent dans 1994. Le quartier où a grandi Adlène Meddi. Une ode à El Harrach, une marque d'affection et un signe d'appartenance non sans fierté. Une ville. C'est un retour aux sources. El Harrach où j'ai vécu. C'est une ville attachante. Où se croisent et vivent en bonne intelligence des boxeurs, des intellectuels, des islamistes, des footballeurs, des policiers, des activistes, des communistes, des utopistes…Et où se côtoient les bars et les mosquées, le chaâbi létal… El Harrach, ma ville, ma vie Pour les besoins de ce roman, 1994, je suis revenu à El Harrach. Revoir mes lieux d'enfance, circuler dans ses ruelles, ses venelles, observer des haltes de souvenance, humer l'air, les rémanences juvéniles… J'avais besoin de me réapproprier ma ville. Une partie de ma vie y est. Telle une brique d'un mur… Je ne voulais pas tomber dans le poncif maghrébin, le droit filial, d'aînesse du père…Tuer Brutus… Un polar noir emporté dans un tourbillon d'interrogations. Comment vivre avec les fantômes de la guerre, la tragédie, qui sont ces survivants muets. Taisant une profonde et lancinante douleur. Comme ceux de Had Chekala…1994, c'est aussi une histoire d'amitié émaillant ce roman. Je rappelle que c'est une fiction évoquant le renseignement, l'intelligence et ses agents, ayant embrassé cette carrière par choix ou obligation, qui sont avant tout des êtres humains…Donc, j'ai voulu me libérer de la «prise d'otages» politico-politicienne à l'issue du «putch», «l'arrêt du processus électoral ou démocratique» et autres euphémismes. Ce roman n'est pas une chronologie. Encore une fois, c'est roman noir, une fiction…» La photo de couverture de 1994 est signée par Ammar Bouras, plasticien, photographe et vidéaste. L'effet photogénique renseigne sur l'éphéméride de la décennie noire, belliqueuse et mortifère. A lire ! Absolument !
1994, Adlène Meddi, Editions Barzakh( 2017) 352 pages 900 DA