Le sentiment d'injustice, provoqué par une politique de deux poids deux mesures, exprimé dans les manifestations de rue organisées par le comité de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements économiques dans la wilaya de Béjaïa, s'exacerbe. Et pour cause, au moment où les autorités du pays garde le silence, le projet de l'usine de trituration de graines oléagineuses de Cevital est toujours bloqué. Hier, le groupe Kouninef a réceptionné son matériel destiné pour son usine en construction au port de Djendjen. Son projet, engagé par sa filiale Nutris, avance à grands pas. Extracteurs de reflex, condenseurs atmosphériques, réchauffeur d'huile minérale, réacteurs enzymatiques, décapants d'huile minérale… Toute une livraison destinée pour l'usine de production d'huile par trituration de graines oléagineuses. Selon les deux bons de commande établis en septembre dernier, ce sont en tout 81 packages qui ont été livrés à partir de la Chine. Ils ont été transportés par le cargo Da Cai Yun, en provenance de Hong Kong, en Chine, selon la situation journalière des navires publiée sur le site officiel du port de Djendjen. Cette situation mise en ligne mentionne le cosignataire Kalstar, soit le même cosignataire de Cevital, qui a vu ses navires refoulés à plusieurs reprises du port de Béjaïa. C'est sous le signe «urgent» que le comité de soutien aux travailleurs de Cevital a informé, sur sa page facebook, du débarquement du navire au profit de l'usine Nutris. «Nous apprenons de sources sûres, que le port de Djendjen, à qui nous souhaitons prospérité et réussite, est à l'heure actuelle en train de décharger, au quai GC/1, un navire cargo, le Da Cai Yun, en provenance de Chine, transportant le matériel destiné à l'usine de trituration de Nutris, filiale du groupe Kouninef qui sera implantée à l'intérieur même du port», écrit le comité. En se réjouissant du sort heureux pour le port de Djendjen, le comité regrette, cependant, que «pendant ce temps et depuis mars dernier, les navires transportant les équipements destinés à l'usine de trituration de graines oléagineuses de Cevital à Béjaïa, qui sera implantée à l'extérieur du port, sont empêchés d'accostage et de déchargement au port de Béjaïa». Deux usines de trituration de graines oléagineuses sont en projet au port de Djendjen qui leur a réservé 8 ha chacune. Celle de Nutris est un investissement de 14,9 milliards de dinars (soit 150 millions de dollars), comme l'ont mentionné les services du port d'accueil. Selon notre source, la BEA a libéré 80% du montant du crédit demandé par Kouninef et qui dépasserait les 200 millions d'euros. L'avance bancaire a permis ainsi l'importation du matériel débarqué hier à Djendjen. La deuxième usine appartient au groupe privé Sipaco pour un investissement équivalant à 200 millions de dollars. Mais le projet de Sipaco n'avance pas au rythme de celui de Nutris. Il connaît des blocages au niveau du financement bancaire. «Nous avons installé la clôture, l'étude est réceptionnée, tout est finalisé, il ne nous reste que le financement», nous répond au téléphone M. Benahmed, le directeur général adjoint de Sipaco, qui ne parle pas de blocage mais préfère imputer le retard aux «procédures» qui connaissent des lenteurs. Pourtant, selon des indiscrétions, le projet de Sipaco, qui dispose de 37 mois de réalisation, connaît un retard qui risque de le faire tomber à l'eau. L'enjeu est dans les 8 hectares que le groupe Kouninef pourrait bien récupérer. Sur les trois projets, dont celui bloqué de Cevital, seule l'usine des Kouninef connaît de grandes facilitations. C'est sur cette politique de deux poids deux mesures qu'a été interpellé Ahmed Ouyahia par une requête déposée au palais du gouvernement le 7 novembre dernier par un groupe de représentants des comités de soutien et des députés du RCD. Il est rappelé aux pouvoirs publics que pourtant le projet de Cevital est financé par les fonds propres du groupe et est quatre fois moins cher que celui de Kouninef, bien que l'usine interdite à Béjaïa soit d'une capacité de production plus importante. «Il est clair, aujourd'hui, qu'il n'y a aucune base légale ni réglementaire qui justifie les abus outrageants dont se rend régulièrement coupable le directeur général du port de Béjaïa. Dorénavant, rien ne pourra justifier l'empêchement de l'accostage des navires transportant les équipements de l'usine de trituration de Cevital qui, il faut le rappeler, sera installée à l'extérieur du port», écrit le comité sur sa page Facebook. Cette conclusion n'est pour le moment qu'un souhait contrarié par le silence royal des tenants du pouvoir, dont celui du Premier ministre. Attendu à Béjaïa, dans le cadre de la campagne électorale pour son parti le RND, Ahmed Ouyahia a préféré déléguer le porte-parole du parti Seddik Chihab qui n'a touché mot à propos du cas de Cevital. C'est le tête de liste RND pour l'APW de Béjaïa qui s'est aventuré dans une déclaration en lançant qu'«à celui qui veut investir là où il veut, on lui dit non ! L'Etat a créé des zones d'activités». Un «verdict» qui ne s'applique pas à l'espace portuaire de Djendjen