Une petite révolution pacifique et toute en douceur, non pas par les armes mais par les urnes. C'est ce qui s'est passé ce jeudi 23 novembre à Tazmalt, l'un des plus importants centres urbains de la haute Soummam, sis à près de 80 km au sud du chef-lieu de la wilaya de Béjaïa. C'est l'aboutissement d'une dynamique citoyenne enclenchée il y a de cela quelques semaines autour d'une liste indépendante dénommée Assirem (l'espoir) menée par Fatah Redjdal, un militant associatif qui a su fédérer les nombreuses potentialités que recèle le mouvement citoyen dans la commune, mais qui a été lui-même écarté par l'administration pour d'obscures raisons. C'est cette révolution citoyenne qui a permis de balayer d'un revers de liste le très controversé Smail Mira, le vieux potentat local dont le nom a fini par se confondre avec celui de cette commune qu'il a dirigée pendant plusieurs mandats. Bien avant le dépouillement, on sentait que le vent du changement risquait d'être violent. En fin de journée de ce jeudi historique, l'affluence se faisait de plus en plus remarquable aux alentours des bureaux de vote. Des dizaines, voire des centaines de personnes étaient agglutinées devant les portails gardés par des policiers. A l'intérieur des centres, l'heure est à la vigilance. Les jeunes de la liste Assirem, reconnaissables à leur badge, sont très nombreux devant chaque bureau. Les gens continuent de voter alors que la nuit est tombée depuis près d'une heure. A la permanence du FFS, qui est loin de connaître l'affluence des grands soirs électoraux, on affiche un optimisme prudent. Baba Mohand Tahar, de la commission technique qui supervise les observateurs du parti, annonce un taux de participation global de 45% à 18h. Un taux plutôt plus qu'honnête pour un tel scrutin. Du bout des lèvres, on reconnaît que cette fois-ci une «certaine liste» a pris une longueur d'avance en ayant préparé convenablement la campagne sur les réseaux sociaux et en ciblant les jeunes en priorité. Dans le QG de la liste de Smail Mira, à 20 mètres du siège de l'APC, sur la rue principale de Tazmalt, le cœur n'est visiblement pas à la fête. Il y a à peine une dizaine de jeunes permanenciers qui commentent sans grand enthousiasme les nouvelles peu rassurantes qui parviennent des bureaux de vote. Un peu plus haut, à la permanence de la liste Assirem, dans l'un des domiciles de la famille Rejdal, c'est l'effervescence. Les militants vont et viennent et le QG bourdonne comme une ruche. Rencontre avec Brahim Tazaghart, éditeur et figure connue du Mouvement culturel berbère. Pour cet observateur assidu de la scène politique nationale et locale, la liste Assirem a d'ores et déjà permis la réhabilitation du politique via le mouvement associatif en fédérant autour d'elle tous les acteurs et animateurs du mouvement associatif. Lui-même est partie prenante de cette dynamique nouvelle : «Assirem a permis de faire de la politique sur une dynamique associative citoyenne. Personnellement je suis natif de Tazmalt et je ne peux pas être indifférent à cette vision et cette dynamique nouvelles. Beaucoup de gens, tels que Malek Houd ou Mohamed Bellil qui sont des acteurs culturels et sociaux connus, se sont impliqués. Les jeunes de Tazmalt et la gent féminine se sont fortement mobilisés également», dit-il. Pour Brahim Tazaghart, par le passé, la classe politique s'intéressait plus aux aspects théoriques et idéologiques de la chose politique, négligeant de ce fait le réel et le concret. «Lorsqu'il fait jonction avec l'action politique, l'associatif permet d'apporter des solutions concrètes aux attentes de la société», ajoute-t-il. Brahim souligne également que d'habitude, à Tazmalt, la campagne se fait au niveau des clans et de leurs chefs influents. Cette fois-ci, les jeunes ont mené une campagne de proximité s'adressant directement à tous les segments de la société, aux femmes et aux jeunes. Ils ont ainsi soustrait le citoyen à l'influence de «Tassefith», le clanisme atavique. Cela d'autant plus que la liste Assirem comportait des gens de différents clans «C'est une démarche salutaire qui permettra peut-être à l'avenir, avec le concours de l'élite et des intellectuels, de s'émanciper du clanisme et autres archaïsmes qui minent la société. C'est l'émergence du citoyen politique au lieu de l'habitant clanique», dit-il. La liesse mémorable qui a accompagné le dépouillement et le raz-de-marée de la liste Assirem en disaient long sur ce changement qui était attendu et espéré depuis longtemps. La nouvelle équipe aux commandes de la commune vient d'ailleurs d'annoncer sa première action. Ils appellent à un grand volontariat pour nettoyer la ville de tous ses déchets. Tout un symbole.