Le 5e Sommet Union africaine- Union européenne, dont les travaux se sont ouverts hier à Abidjan, la capitale ivoirienne, avec la participation de plus d'une quarantaine de chefs d'Etat et de gouvernement africains, parmi lesquels le président sahraoui, Brahim Ghali. Les manœuvres de Rabat et de ses alliés africains destinées à empêcher la RASD de participer à cet important rendez-vous ont été mises en échec en effet par l'Union africaine. Rabat comptait notamment sur la Côte d'Ivoire, le pays hôte de ce Sommet, dont les positions concernant le conflit du Sahara occidental épousent les siennes, pour mettre sur la touche la RASD. Mais sans succès. L'UA a veillé au grain. Le président Alassane Dramane Ouattara a dû faire machine arrière après que l'organisation panafricaine, soutenue par ses membres les plus influents, l'ait menacé de délocaliser l'événement dans le cas où il refuserait d'inviter les représentants du Front Polisario. Ce 5e Sommet UA-UE représente sans conteste pour les Sahraouis une victoire diplomatique sur leurs voisins marocains, qui s'étaient promis de les évincer de l'Union africaine. La présence du président Brahim Ghali à Abidjan constitue sans nul doute l'une des principales attractions de ce rendez-vous, surtout que le roi Mohammed VI a fait également le déplacement. Tous les observateurs ont d'ailleurs pris un malin plaisir à retweeter la photo de famille des ministres des Affaires étrangères des pays membres de l'UA, sur laquelle on pouvait clairement voir Nasser Bourita du Maroc et Mohamed Salem Ould Salek de la RASD. Le journaliste marocain Ali Lmrabet a fait remarquer, hier sur son mur Facebook, avec une pointe d'humour et de dérision, que c'est la première fois qu'un ministre marocain des Affaires étrangères prend une photo souvenir avec le ministre «ennemi» sahraoui des Affaires étrangères de la RASD. Les européens en force Du côté européen, les délégations sont également très nombreuses. En tout, 28 pays membres sont représentés, dont 16 chefs d'Etat, notamment Angela Merkel, la chancelière allemande, et le président français, Emmannuel Macron, qui préféré faire un crochet par Ouagadougou avant de rallier la capitale ivoirienne. M. Macron a prononcé un discours à l'université de Ouagadougou dont l'un des moments forts a consisté à reconnaître les «crimes de la colonisation». La présence d'autant de délégations européennes à Abidjan fournit la preuve que l'Afrique est un continent qui revêt une grande importance pour Bruxelles. Surtout au plan économique. Malgré la montée en force de la Chine, de la Turquie et des Etats-Unis, l'Union européenne résiste. Elle demeure encore le premier investisseur et le premier bailleur de fonds du continent, une position que la France, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie notamment défendront avec force à Abidjan. Mais attention, la Chine n'est pas loin. L'Empire du Milieu est même passé premier partenaire commercial de l'Afrique. Et cela dure depuis 7 années. Outre l'économie et le business qui seront au centre des discussions (surtout en B2B), les dirigeants européens comptent saisir l'opportunité de ce 5e Sommet UA-UE pour affiner avec leurs partenaires africains leur coopération sécuritaire. Le sujet devrait même prendre la part du lion lors des échanges, dans la mesure où ce sommet intervient dans un contexte régional et mondial marqué par la recrudescence des actes de terrorisme et une aggravation du phénomène de l'immigration clandestine. Un phénomène auquel est confrontée massivement l'Europe depuis 2011 et qui a atteint son point culminant avec le scandale international de la vente de migrants africains comme esclaves en Libye. Un plan Marshall ? A ce propos, le président du Niger, Mahamadou Issoufou, a expressément demandé que cette question soit mise à l'ordre du jour du sommet, et le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, a réclamé «des mesures urgentes et coordonnées entre les autorités libyennes, l'Union africaine, l'Union européenne et les Nations unies». De leur côté, certains pays du Sahel semblaient, hier, être prêts à faire le gendarme pour l'Europe, mais à la condition que Bruxelles mette la main à la poche et aide véritablement le continent à mettre en place les conditions d'un véritable développement économique, seule solution pour convaincre les jeunes de rester en Afrique. D'où le thème principal officiel du Sommet, «Investir dans la jeunesse pour un avenir durable». Le président ivoirien, Alassane Ouattara, a ouvert le 5e Sommet UE-UA en appelant justement les jeunes à ne pas tenter d'émigrer «au péril» de leurs «vies» et en leur promettant «d'améliorer leurs conditions de vie». «Nous devons tout mettre en œuvre pour votre épanouissement sur notre continent ! Je vous invite à avoir foi dans l'avenir et ne pas vous lancer à l'aventure au péril de vos vies», a-t-il lancé en ouverture du Sommet. La question est de savoir maintenant si l'Europe est réellement prête à faire bénéficier d'un véritable plan Marshall cette Afrique qui l'a tant enrichie par le passé. C'est, apparaît-il, à cette seule condition que les Africains prendront au sérieux le discours généreux de Bruxelles sur les vertus du partenariat gagnant-gagnant.