Le Maroc est au cœur de l'actualité ces derniers jours tant par sa réaction aux propos du chef de la diplomatie algérienne que par ses jeux de coulisse dans la maison africaine. La Côte d'Ivoire, qui doit abriter le cinquième Sommet Union africaine (UA)-Union européenne (UE), du 29 au 30 novembre prochains, n'a pas jugé utile d'inviter la République arabe sahraouie démocratique (RASD), pourtant membre à part entière de l'UA, à cette rencontre. Est-ce pour autant une surprise de voir cet Etat prendre position pour les Marocains dans le conflit sahraoui ? A vrai dire, le contraire aurait étonné les observateurs puisque le régime d'Alassane Ouattara, installé par Paris, a même décidé de passer outre les recommandations de la session extraordinaire du Conseil exécutif de l'UA sommant Abidjan d'envoyer une invitation à la RASD avant le 27 octobre. La Côte d'Ivoire se sait forte de deux appuis, Rabat et Paris, le premier partisan de la marocanité du Sahara. Une alliance qui a déjà fait réagir Alger par la voix de son ancien ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qui avait interpellé son homologue français Ayrault en novembre 2016 sur la question. «Je ne vous cacherai pas que c'est l'un des principaux désaccords entre la politique extérieure de l'Algérie et celle de la France», avait-t-il dit à ce propos. L'Algérie sait très bien que la question sahraouie n'est pas un jeu à trois entre elle, Rabat et le Polisario mais que l'équation englobe aussi et surtout la France et maintenant certains pays africains. En effet, la politique africaine du Maroc, trahie par les câbles diplomatiques confidentiels publiés par le Snowden marocain, un cyber-activiste qui se présente sous le pseudo de chris_coleman24 sur son compte Twitter, a divisé en trois le continent noir selon les affinités du moment. On y découvrait alors que la direction marocaine des affaires africaines considère que «les pays d'Afrique de l'Ouest et centrale sont considérés comme les pays « amis » ou le « pré carré traditionnel » », la Côte d'Ivoire faisant partie de l'Afrique de l'Ouest, ceci expliquant cela. Les pays de l'Afrique de l'Est et australe sont jugés plutôt comme «hostiles» tandis qu'une troisième catégorie regroupe les pays dits «fragiles», dont les positions sont globalement influencées par les pays dominants dans chaque région, Algérie, Afrique du Sud, Ethiopie et Nigeria notamment. La stratégie d'entrisme marocaine s'est appuyée sur le renforcement de ses relations avec les pays africains en devenant le trait d'union privilégié pour un rapprochement entre l'Europe et l'Afrique à travers la France. L'accueil d'étudiants africains, la gestion du religieux, la promotion du concept de consacrer une «place» à l'Afrique dans tous les festivals organisés au Maroc, le libre accès au marché marocain pour les produits originaires des pays africains les moins avancés et l'annulation de leurs dettes, l'ouverture des ambassades en Namibie, au Botswana, en Zambie, en Tanzanie, au Mozambique et au Malawi pour renforcer la présence diplomatique marocaine en Afrique de l'Est et australe participent à cette vaste OPA. Si Abidjan est la première capitale africaine à soutenir ouvertement les thèses coloniales du Maroc, d'autres pays devront certainement suivre, histoire de payer leurs dettes.