Quelque 3800 migrants africains en Libye doivent être rapatriés d'urgence, a annoncé le président de la commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat. Soit une faible part du nombre total de migrants en Libye, qui se situe «entre 400 000 et 700 000», selon lui. «Les réseaux de passeurs doivent être mis hors d'état de nuire» et «une enquête (internationale) doit être menée», a déclaré le président ivoirien, Alassane Ouattara, à la fin du sommet. Son homologue guinéen, Alpha Condé, qui est également président en exercice de l'UA, a demandé que des «forces spéciales» soient mises en place «contre les trafiquants d'êtres humains». Ces mesures avaient été annoncées dès mercredi soir par le président français, Emmanuel Macron, à l'issue d'une réunion d'urgence restreinte sur la question. M. Macron avait évoqué l'évacuation d'urgence des Africains désirant quitter la Libye, la constitution d'une «task force» policière et de renseignement pour renforcer la coopération entre pays africains, ainsi qu'une campagne de communication pour dissuader les jeunes de tenter l'exode. Après le scandale international né de la diffusion d'images de marché aux esclaves en Libye, l'immigration s'est imposée comme le thème majeur du sommet, qui a réuni environ 80 chefs d'Etat et de gouvernement, ainsi que 5000 délégués, mercredi et jeudi. Pauvreté Selon le président français, les opérations d'évacuation seront mises en place «dans les prochains jours ou (les prochaines) semaines». Il est important de «démanteler les réseaux et leur financement» car les «trafiquants d'être humains» sont «profondément liés aux trafiquants d'armes, de drogue et aux mouvements terroristes qui opèrent dans toute la bande sahélo-sahelienne», a lancé M. Macron. Il a aussi estimé «qu'in fine, il est indispensable de reconstituer un Etat pérenne» en Libye. Plus de 700 millions d'Africains ont moins de 25 ans, soit 60% de la population du continent. Des centaines de milliers de jeunes désespérés par le chômage, la pauvreté et l'absence de perspectives dans leurs pays - en dépit de taux de croissance enviables pour certains d'entre eux - tentent d'émigrer vers l'Europe chaque année. Les mesures annoncées au sommet constituent «une véritable avancée, cela aura un impact sur (le problème de) l'esclavage», a réagi le directeur général de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), William Lacy Swing, qui précise que l'OIM a déjà évacué 13 600 migrants et espère en évacuer 15 000 supplémentaires, abrités dans des camps gouvernementaux libyens. Engagement «Sous couvert d'aide humanitaire aux migrants, le but de l'Europe est de maintenir fermée la route méditerranéenne» d'immigration, a en revanche fustigé le directeur d'Amnesty International pour l'Europe, John Dalhuisen. Le Sommet d'Abidjan a fait «le minimum syndical» pour la Libye, a également critiqué la porte-parole de l'ONG One, Friederike Röder, selon qui les dirigeants «réitèrent des engagements déjà pris, énumèrent des initiatives qui existent déjà», alors qu'ils auraient dû définir une vraie stratégie commune à long terme pour faire face à l'explosion démographique de l'Afrique. Pour donner un avenir à la jeunesse africaine, les dirigeants africains et européens sont convenus d'«intensifier les efforts pour lui offrir une éducation de qualité», a déclaré le président ivoirien, Alassane Ouattara, avec «un effort particulier sur l'éducation des filles, les technologies et le numérique». Il a aussi appelé à accroître les investissements pour accélérer la croissance économique afin d'offrir des emplois aux jeunes. La question de la sécurité a aussi été abordée, au moment où l'Afrique de l'Ouest, en particulier, connaît une montée en puissance de groupes djihadistes, d'ailleurs en partie liés à la désespérance de la jeunesse africaine. L'UE affiche son soutien au G5 Sahel (Mali, Niger, Mauritanie, Burkina Faso, Tchad) qui s'efforce de mettre en place une force antidjihadiste dans cette région, mais le financement de cette force est encore insuffisant. Seule la moitié de son budget a été réunie, bien qu'il ait été divisé par deux, à 240 millions d'euros. Une réunion internationale aura lieu le 13 décembre à Paris pour «accélérer le déploiement» de la force multinationale, a indiqué l'Elysée hier, réunion à laquelle seront conviés les «partenaires-clés de la force conjointe, de l'UE, de l'ONU et de l'UA».