Les départements ministériels lancent des projets sans maîtriser les coûts et encore moins les délais de réalisation. Sur l'enveloppe consacrée aux projets d'investissement estimée à 3615,072 Mds DA, 760,69 Mds DA sont alloués à la réévaluation des projets d'investissement. L'Etat ne maîtrise pas la gestion de son budget. C'est la conclusion à laquelle est arrivée la Cour des comptes dans son rapport d'appréciation de la loi portant règlement budgétaire de l'exercice 2015. Une récurrente révision des budgets est soulignée par ce dernier qui y voit un signe d'insuffisance dans l'élaboration des programmes budgétaires. Les départements ministériels lancent des projets sans en maîtriser les coûts et encore moins les délais de réalisation. A titre d'exemple, sur l'enveloppe consacrée aux projets d'investissement estimée à 3615,072 Mds de DA, 760,69 Mds de DA sont alloués à la réévaluation des projets d'investissement. «La Cour des comptes a relevé certains écarts par rapport aux principes de l'annualité, de la spécialité, mais aussi au regard de l'exécution des autorisations budgétaires, en termes de sincérité et de soutenabilité», souligne le rapport de la Cour des comptes qui a constaté de nombreuses insuffisances dans l'exécution des dépenses publiques menant à des réévaluations souvent non justifiées et inappropriées. Ladite Cour critique une non-maîtrise de la sincérité budgétaire. «Le recours répété d'année en année à des modifications de crédits peut constituer un signe de sous-budgétisation. A l'inverse, des prélèvements répétés sur un chapitre ou la constitution de reliquats importants sur le budget général ou au sein d'un établissement bénéficiaire d'une subvention indiquent une surbudgétisation», note le rapport, en précisant que «les ajustements de crédits opérés à partir du budget des charges communes confortent une insuffisante maîtrise de la prévision». Les transferts opérés sur le budget cité au profit des départements ministériels ont atteint, selon ledit rapport, 125,499 milliards de dinars et portent le total des crédits des ministères de 4436,059 Mds DA à 4564,932 Mds DA. «Ces transferts ont été opérés pour prendre en charge les effets induits par le relèvement du régime indemnitaire pour certaines catégories d'agents, intervenu au cours de l'année, pour un montant de 84,061 Mds de DA.» Ces relèvements ont profité grandement au ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales pour un montant de 46,131 Mds DA, au ministère de la Jeunesse et des Sports pour un montant de 41,541 Mds DA, au ministère de l'Agriculture et du Développement rural pour un montant de 21,320 Mds DA, ainsi qu'au ministère de la Défense nationale pour un montant de 17,831 Mds DA. L'examen de la Cour des comptes fait ressortir une tendance quasi constante à faire des prévisions et des réajustements budgétaires ne tenant pas compte des besoins réels. «La fixation des dotations budgétaires allouées à certains chapitres ne répond pas toujours à des besoins suffisamment évalués, ce qui est loin de se conformer aux prescriptions de la note d'orientation du ministère des Finances», indique le rapport en ajoutant que cette prévision peu maîtrisée est illustrée par un taux de consommation des budgets relativement faible. «Des taux de consommation relativement faibles enregistrés au niveau de la présidence de la République 66,18%, et certains ministères, tels que le Travail, l'Emploi et la Sécurité sociale 77,28%, l'Industrie et les Mines 78,59% et l'Habitat, l'Urbanisme et la Ville 78,10%.» Les départements ministériels ont une fâcheuse habitude de demander des rallonges budgétaires qui s'avèrent non justifiées et à la fin de l'exercice, la consommation budgétaire se limitera au crédit initialement alloué. Les enquêteurs de la Cour des comptes critiquent aussi des rattachements qui se sont avérés non justifiés et sans objet au profit de plusieurs départements. «Au titre du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, les crédits initiaux réservés à certains chapitres ont connu des modifications substantielles. Toutefois, les soldes dégagés dépassent de loin les montants rattachés. Ce qui dénote de l'insuffisante maîtrise budgétaire». Plus encore, ce département a exigé des subventions supplémentaires alors que des reliquats importants n'ont pas été pris en compte. «Ces reliquats remettent en cause les méthodes de prévision utilisées en matière de détermination des subventions», estime le rapport. Tous les ministères sont concernés par ces rallonges non justifiées et une récurrence des dépassements de crédits. «Les dépassements des crédits enregistrés au titre de l'exercice 2015 d'un montant de 99,319 Mds DA, en hausse de 111,86% par rapport à 2014 (46,794 Mds DA), ont concerné des crédits à caractère évaluatif», explique le rapport en notant que ce montant est localisé, dans une forte proportion, au titre des dettes publiques et dépenses en atténuation des recettes. «L'examen de l'exécution du budget des départements ministériels a relevé l'existence de dettes importantes qui demeurent à la charge de l'Etat en dépit du dégagement des reliquats en fin d'exercice», souligne le rapport. Le ministère de la Justice détient par exemple des dettes au titre de dépenses de matériel et de fonctionnement des services d'un montant de 13,561 Mds DA. Des dettes importantes sont aussi enregistrées en matière de cotisation à la sécurité sociale, à fin 2015, non payées par sept ministères (Santé, Solidarité, Culture, Moudjahidine, Travail, Jeunesse et Sports et Communication) d'une valeur de 423,755 millions de dinars. Le montant global des créances de la CNAS sur le ministère de la Solidarité nationale est estimé à 544 799 375 7,97 DA. «Des contraintes majeures, notamment celles liées à la fiabilité de l'information, à la maîtrise des outils de pilotage, à l'annualité du budget et à son allocation tardive, n'ont pas été sans conséquences sur la gestion des budgets que la Cour a, d'ailleurs, toujours relevé dans ses rapports, notamment le peu de rigueur dans l'élaboration des prévisions en matière de ressources et de dépenses budgétaires, le manque de suivi et d'évaluation» constate le rapport.