Le romancier Adlène Meddi a tenté de restituer toutes les vérités sur le papier en puisant dans son expérience de journaliste à El Watan et dans ses relations avec quelques officiers chargés de la lutte antiterroriste. Adlène Meddi, journaliste et écrivain, a été, samedi dernier, l'invité du Café littéraire de Bouzeguène. C'est le premier invité de la nouvelle année littéraire de l'association Tiawinine (Les sources), après le renouvellement de son agrément. Adlène Meddi a été l'hôte de cette région de montagnes, à 60 km à l'est de Tizi Ouzou, pour présenter son dernier roman, 1994, publié en octobre dernier aux éditions Barzakh. C'est en réalité la suite du roman La prière du Maure, paru en 2008. «Ce livre 1994, explique-t-il, est le résultat d'un voyage que j'ai effectué en 2009 à Had Chekala, une localité isolée de la wilaya de Relizane, où a eu lieu l'un des plus grands massacres de civils d'une guerre qui a ensanglanté le pays depuis 1992. Dans mon esprit, après le massacre il n'y a que mort, désolation et puis plus rien. Je pensais ne rien y trouver, mais je fus surpris de me retrouver face à des survivants de cette attaque meurtrière qui a fait des dizaines de morts. Quand je leur parlais, j'avais l'impression de m'adresser à des fantômes. Dans mon esprit, je me rendais à l'évidence que quelque part, des gens, ceux qui nous gouvernaient, nous ont caché la vérité sur l'existence de ces survivants. A mon retour, je me suis dit qu'il est essentiel que je fasse un travail sur ces années de guerre civile, une blessure très profonde qui n'a pas encore livré tous ses secrets et que l'on voudrait fermer à jamais. L'idée m'est venue de commencer mon enquête avec des amis lycéens, à El Harrach, une ville assez spéciale, méprisée et connue pour être rebelle, avec des barbus communistes, ses boxeurs, et considérée comme étant une ville de ‘voyous', de ‘criminels', de ‘casseurs' après un match... alors que la réalité est toute autre. Je connaissais cette ville pour y être né, une banlieue d'Alger qui a son histoire millénaire, sa culture, son patrimoine. C'est l'endroit où une tribu a été décimée au début de la conquête française. C'était une ville patriote. Je voulais réhabiliter tout cela en racontant la vie des années 90 vue par des lycéens». Le romancier Adlène Meddi a tenté de restituer toutes les vérités sur le papier en puisant dans son expérience de journaliste à El Watan et dans ses relations avec quelques officiers chargés de la lutte antiterroriste. Un roman noir, digne des polars, où s'égrènent crimes, enquêtes, coups bas, filatures et mystères et où les protagonistes se règlent les comptes entre eux. Tous les ingrédients sont là pour extrapoler cette réalité avec son lot de traumatismes. Had Chekala, une région où les villages ne rappellent et ne font penser qu'à la mort, est également une ville qui aspirait à vivre et à survivre. Adlène Meddi se disait que pour cicatriser la plaie, exorciser les survivants de leur traumatisme, il fallait parfois «remuer» cette plaie. 1994, est paru en octobre 2017, réalisé sans documents de référence, avec juste le récit de quelques lycéens qui ont décidé de constituer un groupe d'autodéfense ou d'«escadrons» de la mort pour lutter contre le terrorisme. Ils seront les acteurs des pages «noires» d'un roman «noir» qui a restitué les violences et les bains de sang d'une guerre civile où la fiction et la réalité se conjuguent au présent pour tenter de remonter le temps.