Venu il y a un peu plus d'un mois à la dernière édition du Salon international du livre d'Alger, où il avait présenté et signé son dernier roman Boulevard de l'abîme (Barzakh, 2017), Noureddine Saâdi s'en est allé, jeudi 14 décembre, après un combat admirable contre la maladie. Celle-ci n'avait pu l'empêcher de venir à la rencontre de ses lecteurs algériens, de discuter avec eux, de leur dédicacer son livre, de sourire, de rire et de serrer des mains avec un enthousiasme et un allant qui ne laissaient pas présager une issue fatale aussi proche. Né en 1944 à Constantine, il a étudié le droit à l'université d'Alger et y a enseigné cette discipline dans les années 1970-1980 avec une compétence pédagogique que plusieurs générations d'étudiants lui reconnaissent encore. Il a cinquante ans en 1994 quand il doit s'exiler, menacé par les terroristes. Il travaille alors à l'université d'Artois (Douai, France) en tant que professeur de droit. Sur place, son inquiétude et son éloignement réveillent une fibre littéraire ancienne qu'il n'avait jamais pu exprimer jusque-là. Ses premières tentatives le signalent comme un romancier prometteur. Il publie Dieu-le-fit (Albin Michel, 1996) qui obtient le prix Kateb Yacine de la ville de Guelma, puis La Maison de lumière (Albin Michel, 2000) et La Nuit des origines (Ed. de l'Aube, 2005), lauréat du prix Beur FM. Il a publié aussi un recueil de nouvelles intitulé Il n'y a pas d'os dans la langue (Idem, 2008). Tous ces livres ont été publiés en Algérie chez Barzakh. Affirmant son style au cours des années, son univers littéraire intègre le patrimoine et la mémoire comme des fils conducteurs de ses narrations. Proche des milieux artistiques, il a publié plusieurs essais ou monographies qui rendent compte de ses passions : Koraïchi, portrait de l'artiste à deux voix (Actes Sud, 1998) ; Matoub Lounès, mon frère (Albin Michel, 1999, avec Malika Matoub), Denis Martinez, peintre algérien (Le Bec-en-l'air/Barzakh, 2003), Houria Aïchi, dame de l'Aurès (Chihab, 2013) ainsi qu'une participation à l'ouvrage collectif Alloula, vingt ans déjà ! (Apic, 2014). En tant qu'universitaire, il a écrit de nombreuses contributions scientifiques et des essais remarquables : Femmes et lois en Algérie (1991), Normes, sexualité, reproduction (1996), Journal intime et politique, Algérie, 40 ans après (ouvrage collectif, Ed. de l'Aube, 2003). Ancien militant et syndicaliste, il s'était toujours gardé de tout dogmatisme et son humour très britannique achevait son allure de gentleman-farmer distingué mais populaire, toujours porté à aller vers l'Autre. Il m'avait enseigné au siècle dernier la méthodologie des sciences juridiques, une horreur qu'il avait su nous rendre captivante et même amusante. Et bien que nous soyons devenus amis plus tard, je me dois de dire : «Sahit ya cheikh !»