Disparition de Hachemi Chérif, crise interne aiguë, congrès dans deux semaines et élections législatives et locales de 2007 : le MDS traverse une année charnière. La maladie, puis la disparition de Hachemi Chérif, le 2 août 2005, ont plongé le Mouvement démocratique et social (MDS) dans une guerre intestine sans précédent. Le conseil national du 27 avril 2006 consacre le divorce entre le SG par intérim, Ali Hocine, écarté et remplacé par Ahmed Méliani. Ali Hocine, en compagnie de deux membres du bureau national, désertent les instances du MDS et appellent à un congrès parallèle. Le 31 août, le verdict tombe : les trois dissidents sont exclus du bureau national du MDS « pour activité fractionnaire », selon les dires de l'actuel SG par intérim. Mais il semble que derrière cette mutation organique se cache une divergence de vision portant, notamment, sur l'évaluation de la situation politique dans le pays. Pour Méliani, le MDS a été au cœur de la crise nationale et les termesd'un véritable débat sur l'avenir du pays ont été posés. Le SG par intérim ajoute que les camarades en rupture de ban ont été porteurs de thèses qui présentaient les conséquences de l'application de la charte pour la paix et la réconciliation nationale comme étant non pas une impasse mais comme un tunnel sans une possibilité de sortie de crise. « Les camarades considèrent que l'islamisme a reculé, le pouvoir offre un tunnel de sortie de crise et qu'il est en train d'absorber la rente », explique Méliani, estimant que cette lecture remet en cause la force d'analyse du MDS. Méliani estime que les trois exclus sont ballottés puisqu'ils reviennent dans des documents récents pour dire que la charte pour la paix et la réconciliation nationale et le pouvoir sont dans l'impasse. Méliani ajoute que Ali Hocine et ses camarades estiment que l'islamisme ne constitue plus une menace, mais ils reviennent après pour dire qu'il y a redéploiement de l'islamisme. Méliani invite ses rivaux à faire une autocritique. Les mêmes camarades, dans l'impossibilité d'imposer ces thèses au MDS, ont préféré cristalliser organiquement pour mieux faire passer ces thèses. La rigueur oblige une remise en cause publique, selon le SG par intérim, qui déplore que les porteurs de ces thèses ont préféré sortir des instances statutaires du MDS dans une tentative de transformer une cristallisation organique en courant politique. « Ce qu'on reproche à ces camardes, ce n'est pas d'avoir porté les idées qu'ils portent à l'opinion publique, mais d'avoir adopté une démarche de ‘'phagocytage'' du MDS, une démarche antidémocratique », déplore Méliani. Cependant, ajoute-il, une invitation leur a été faite à ce qu'ils remettent publiquement en cause leur démarche organistique et, donc, participer au congrès, non pas comme courant, mais comme congressistes. Même volonté affichée par Ali Hocine qui appelle à un congrès commun et démocratique et à bannir l'exclusion. « On est sur la bonne voie pour la participation au congrès. On a signé une plate-forme commune (Ali Hocine et Méliani) en vue du dépassement de cette crise. On a la même ligne et les mêmes objectifs », indique Ali Hocine qui continue, par ailleurs, à signer des documents en sa qualité de SG par intérim ! En tout cas, la crise semble baisser en intensité, à quelques encablures du congrès. En quelques mois, le MDS a organisé quatre conseils nationaux, une conférence nationale des cadres et l'université d'été du 25 juillet au 25 août 2006. Le non, mais... du MDS aux électeurs La participation ou non du MDS aux élections législatives et locales de 2007 est loin de souder les rangs du parti. Ainsi, Ali Hocine considère que la réappropriation des urnes constitue désormais un objectif, du moins tactique. Depuis la présidentielle de 2004, explique l'intérimaire déchu, la situation semble évoluer de telle sorte que le MDS ne peut continuer à rejeter en bloc toute élection. Méliani, en revanche, considère que les conditions actuelles militent pour un boycott des deux échéances de 2007. « C'est un processus électoraliste qui ne peut consacrer ni la démocratie ni la citoyenneté », tranche-t-il. Pour lui, l'expression démocratique est réduite, tandis que la société vit une véritable crise de représentativité. « Si on fait des élections pour que les deux chambres du parlement disent qu'on est d'accord avec le président, où est le rôle du parlementarisme ? Est-ce qu'un parlement est conçu pour être d'accord avec ce que fera le président ? », s'interroge Méliani, pour appuyer sa position. Il indique que face à une situation où il y a interdiction de manifestation, où les médias lourds (TV) sont une propriété des partis d'Etat, où la parole est interdite à tous ceux qui portent la contradiction à ce processus et où les moyens de l'Etat sont confisqués au profit des partis d'Etat, les forces démocratiques sont condamnées à dénoncer cette situation comme première étape, une situation qui prédétermine les résultats électoraux. Toutefois, le MDS préfère rester attentif à l'évolution de la situation, au pourquoi du report des échéances (révision constitutionnelle), au comportement des forces démocratiques et patriotiques. Méliani plaide pour une alternative démocratique autonome dont l'objectif n'est pas de se suffire à une participation, à une caution d'un processus initié par le pouvoir et en alliance avec l'islamisme, mais dont l'objectif est de présenter une alternative démocratique crédible. « Les forces démocratiques doivent donner un signal fort qui permette à la société de s'identifier dans cette force », analyse Méliani, seul préalable pour assurer des élections démocratiques. Pour le MDS, la force de ce système et de cette alliance islamo-conservatrice n'est pas une force intrinsèque, c'est aussi une force qui découle de la faiblesse de l'alternative démocratique. Le parti reste convaincu que cette crise a besoin d'un grand rassemblement démocratique, républicain et moderniste. Méliani appelle les forces démocratiques, dont le MDS, à se mettre à niveau par rapport aux exigences du pays, ce qui pourrait être un signal fort pour la société. Il s'interroge même sur la finalité de ces élections : « Que peuvent-elles apporter ? » Dans le cadre du système actuel, il est impossible, y compris des processus électoralistes, de produire la citoyenneté et l'expression démocratique. « On a connu autant d'élections, mais la dégradation a continué », illustre-t-il, ajoutant que « plus on organise des élections, plus la situation se dégrade ». Avec autant d'élections, l'Algérie serait le pays le plus démocratique au monde, ironise-t-il. Pour ce qui est de la révision de la Constitution, le MDS pose l'exigence d'un Etat moderne, démocratique, républicain et social. La meilleure des constitutions ne peut produire de processus démocratique réel qu'en fonction des forces qui la portent. La nouvelle Constitution ne peut être que l'œuvre de toutes les forces démocratiques et patriotiques qui ont combattu l'intégrisme. Méliani confirme : « Nous nous sommes opposés à cette révision préparée en vase clos par le pouvoir sans débat avec les forces qui ont permis à l'Algérie de rester debout. » Congrès de transition Après les assises de 1998 et le 1er congrès en 1999, le MDS s'apprête à organiser les 21 et 22 décembre courant son 2e congrès. Premier test sans Hachemi Chérif, fondateur du parti. En cette circonstance, l'équipe de Méliani bat le rappel pour réussir ce rendez-vous majeur. Les préparatifs sur le plan organique et politique ont été finalisés, les projets de résolution élaborés. Méliani affirme que sur un total de 250 délégués congressistes, plus de 160 ont confirmé leur participation. L'objectif du congrès, explique-t-il, consiste à se doter de textes qui « confirment et approfondissent » la ligne du MDS. L'intérimaire considère ce rendez-vous comme un congrès de transition qui ouvre des perspectives du renforcement du MDS et qui donne la possibilité de remobiliser l'ensemble des forces du parti. Aussi, les congressistes vont devoir stabiliser la direction du MDS et la doter d'instances dirigeantes. Méliani souligne l'urgence d'aller vers un autre congrès plus large qui, en toute vraisemblance, pourrait prendre la forme d'un congrès extraordinaire. « On s'achemine vers le dépassement de la crise à travers ce congrès », a conclu Méliani, sur une note d'espoir. Le congrès constitue le cadre idéal pour une expression libre à toutes les voix du MDS, qui doit colmater ses brèches à l'occasion. Des élections libres et démocratiques vont devoir introniser Méliani ou Ali Hocine à la tête du MDS et mettre fin à la situation d'intérim. De même, un débat large et profond est attendu sur la situation politique dans le pays.