Les initiatives se multiplient, se suivent et se ressemblent. Au bout, rien de très concret et surtout une législation qui freine l'évolution et le développement du numérique en Algérie. Loin de faire un procès ou de minimiser les intentions mais le constat est peu reluisant Le retard qu'accuse le pays est de très loin rattrapable tant que nos dirigeants n'incluent pas dans leur logiciel les notions des libertés et de la libre circulation. Le monde du digital est en perpétuelle mutation et évolue d'une manière vertigineuse, les législateurs à travers le monde tentent de suivre ce mouvement sans succès tant l'économie globalisée et l'innovation dans le domaine n'obéissent et ne reconnaissent d'ailleurs aucune limite. L'économie de la connaissance est celle de l'immatériel, fondée sur la circulation des flux d'information. Elle tend à prendre le relais des activités industrielles traditionnelles comme moteur de croissance. Et l'impact de cette économie est d'abord de nature industrielle, l'apparition soutenue de produits nouveaux conduit à un rythme effréné de renouvellement de l'équipement numérique des ménages et des entreprises et entretient donc un fort potentiel de croissance dans la production matérielle des supports techniques. Parallèlement à cela, le développement des services numériques immatériels est encore plus explosif. L'apparition des smartphones, par exemple, a généré le développement d'un très grand nombre d'applications mobiles, certaines payantes, d'autres gratuites, générant ainsi des revenus publicitaires conséquents. Face à cette donne, nos dirigeants par mégarde ou bien avec conscience hésitent encore à se lancer dans un marché prometteur estimé actuellement par des spécialistes à 5 milliards de dollars et dans les prochaines années à plus de 20 milliards de dollars en Algérie. La Tunisie, elle, exporte pour 800 millions de dollars de logiciels par an. L'économie numérique est composée essentiellement par un réseau de start-up technologiques pourvoyeuses de postes d'emploi et créatrices de richesse certes immatérielle mais à forte valeur ajoutée générant des devises. Libre entreprise Le lancement de start-up technologiques et leur efficacité dépend et obéit à une condition sine qua non à celle de la libre entreprise. Or, en Algérie, le gouvernement tergiverse et retire la loi sur le numérique et celle du e-commerce sans aucune explication, ce qui a contraint un réseau de start-up à attendre. «Pour l'instant, nous demandons le minimum, à savoir une loi nous autorisant à vendre sur Internet. Le gouvernement tarde à la promulguer et à la rendre opérationnelle» se plaint Walid, un startuppeur fraîchement diplômé de l'ESI. Dans son cas, ils sont nombreux et évitent d'entrer en conflit avec le gouvernement. «Il s'agit de mon business. Mieux vaut attendre que de faire pression. Nos gouvernants sont têtus et n'en font qu'à leur tête, quitte à nous pénaliser et à faire rater au pays le virage numérique», se désole un autre porteur de projet. La méfiance vis-à-vis du monde numérique affichée par nos gouvernants pour des raisons aussi stupides les unes que les autres a conduit des centaines de porteurs de projets prometteurs au stand-by, d'autres à abandonner carrément leurs projets et à aller tenter une aventure ailleurs, sous d'autres cieux. Malgré le discours ambiant quant à l'intérêt porté par le gouvernement aux TICs et à la création de start-up, dans la réalité rien de tout cela. La preuve ? Le nombre de start-up technologiques réellement établies ne dépasse pas la dizaine. Hormis le cadre législatif, la faiblesse du débit Internet demeure l'autre problème majeur que rencontrent nos startuppeurs. «Vous avez une connexion instable, un débit faible et une assistance technique presque inexistante de la part des opérateurs. Dans ces conditions, il serait difficile de réaliser des prouesses. On se limitera à créer des applications soft et à moindre coût» explique Hamza, porteur de projet digital. Enfin, l'autre souci évoqué par nos startuppeurs est celui du monopole sur la publicité et sa politisation. «Le marché publicitaire en Algérie, notamment celui sur internet, n'obéit à aucune logique et reste très archaïque. Pourtant les plateformes se multiplient et attirent des milliers de visiteurs. Certains profitent de ce système, d'autres se voient réduire à néant même s'ils jouissent d'une visibilité sur internet et captent l'intérêt du public», assure le webmaster d'un site algérien. Création du contenu, le défi majeur Contenu didacticiel, didactique, réseaux sociaux, plateformes d'échanges, enseignement en ligne et plein d'autres services et d'applications utiles demeurent le défi majeur auquel nos start-up doivent répondre et qu'elles doivent relever. Le contenu représente le fond du site, c'est-à-dire le sujet qui va faire en sorte que le site intéresse un visiteur ou pas. «Si vous voulez vous informer sur l'Algérie, son histoire, sa culture, vous devez passer par des sites étrangers et des plateformes étrangères qui comportent souvent des anomalies ou de fausses informations concernant le pays. Tout cela pourquoi ? Parce que tout simplement aucun effort n'a été fait, les archives ne sont ni numérisées ni mises en ligne. Dommage pour l'Algérie», se désole Samir Bencheikh, un ingénieur établi aux Etats-Unis. A l'en croire, sur internet, l'Algérie est presque invisible, inaudible et numériquement morte. Pour y remédier, le gouvernement doit mettre en place un dispositif d'aide et d'encouragement à l'adresse des créateurs de contenu et surtout faire confiance aux jeunes en ne voyant pas en eux cette main de l'étranger qu'on agite et qu'on manipule. Car il y va de l'intérêt du pays, de son économie et de son image à l'étranger. Il y va aussi de l'avenir de ces milliers de jeunes désireux de se lancer dans l'économie numérique, d'innover et de démontrer le génie algérien. Ailleurs, ils font le bonheur des économies mondiales, on se les arrache, on les drague et surtout on leur fait confiance.