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Une âme en ruine
Immersion. Sidi El Houari , le Vieil-Oran
Publié dans El Watan le 20 - 01 - 2018

Dès lors qu'on se rend à Oran, Sidi El Houari devient, de facto, une destination incontournable, pour laquelle il faut prévoir tout un après-midi de visite, sinon la journée entière.
C'est en effet à Sidi El Houari que se trouve le Vieil Oran, l'Oran d'antan, ou, si l'on veut, l'Oran originel. Petite immersion dans ce quartier authentique de la ville d'Oran, mais hélas, ô combien délabré.
D'abord, comment faire pour s'y rendre ? Quels chemins suivre ? Tous les chemins d'Oran mènent-ils à Sidi El Houari ? Peut-être pas tous, mais en tous cas, nombre d'allées peuvent conduire à ce vieux quartier historique. Le plus commode est d'y aller en empruntant la place du 1er Novembre – le cœur du centre-ville en somme – la seule place d'Oran plus ou moins vaste, ceinturée par une mairie «prétentieuse» (selon Albert Camus) et d'un opéra, devenu théâtre, qui tente peu ou prou de renaître de ses cendres.
Tout au bout de cette place se trouvent deux cafés, le Djurdjura et le Soleil, l'un en face de l'autre, et les deux faisant angle entre la place du 1er Novembre et les deux artères respectives : la rue Philipe et la rue des Jardins.
La rue Philipe, avec ses cafés maures et ses hôtels borgnes, est l'entrée de Sidi El Houari. C'est une rue très animée, d'autant qu'elle abrite, durant la saison estivale, le terminus des bus allant vers la corniche oranaise. Plus bas encore, il y a la mosquée le Pacha, un édifice de la période ottomane, dont les travaux de rénovation, débutés en 2009, sont encore à la traîne.
Mais si l'on veut descendre directement à Sidi El Houari, il existe un raccourci incontournable : la rue de Gênes, une longue rue en forme d'escalier éprouvant. Cette rue, en fait, est cerclée par la rue Philipe, qui l'enserre tel un serpent. La rue de Gênes nous fait descendre pratiquement à la place Kléber, c'est-à-dire au centre de Sidi El Houari.
Entourée, à droite et à gauche, par des immeubles délabrés, sinon carrément en ruine, ce long escalier de la rue de Gênes, qui compte 130 marches, est aussi un lieu de prédilection des sportifs qui aiment à le monter et le descendre, jusqu'à être en nage. En haut de cette rue, se trouve le plus vieux cordonnier de Sidi El Houari qui y officie sans relâche depuis de longues années, toujours fidèle au poste.
C'est justement en grimpant les escaliers de cette belle artère que nous avons rencontré Kaci Rachid, enseignant à la retraite, et habitant Sidi El Houari depuis 1961. «Il n'y a plus personne, nous dit-il, l'air désolé. Ils sont tous partis, le quartier se vide». Il faisait allusion aux nombreuses opérations de relogement qui, au fil de ces derniers mois, ont désempli Sidi El Houari de ses habitants. «Dans le temps, la rue de Gênes était très animée, elle grouillait de monde, on y comptait même des commerces.

Aujourd'hui, elle est triste à voir, un vide sidéral domine», nous dit-il encore, avec dans les yeux un voile de nostalgie. En effet, il y a à peine quelques mois, une certaine ambiance prévalait encore dans cette rue.
Sa population créait une vie de quartier très méditerranéenne, avec les vieilles femmes qui communiquaient de fenêtre à fenêtre et les jeunes qui se regroupaient en bas des immeubles, à jouer des parties de dominos jusqu'à pas d'heure. Aujourd'hui, la plupart ont pris la clé des champs, et ceux qui sont restés font grise mine, tenant encore à ce quartier historique, mais en même temps blasés de voir que rien ne bouge, rien ne s'arrange, malgré les promesses, devenues routinières, des autorités.
Pourquoi évoque-t-elle pour nous le fameux film italien Main basse sur la ville (1963), et les propos de son réalisateur, Francesco Rosi : «Ce qui est négatif dans la spéculation immobilière, ce n'est donc pas seulement la destruction d'une ville, mais l'aspect chaotique qu'elle prend. C'est aussi la destruction d'une culture au profit d'une autre, où l'homme n'a plus de place.»
La rue de Gênes nous fait donc descendre jusqu'à l'autre extrémité de la rue Philipe, par laquelle on échoue directement sur la place Kléber. Cette place est en sandwich entre la place de la République et le boulevard Stalingrad. Il faut dire que Sidi El Houari a tous les atouts pour être une commune à part entière, sans qu'il ne soit rattaché administrativement à Oran.
Mais si tel était le cas, nous explique-t-on avec humour, «on ne pourra plus parler de vieil-Oran». Kléber est donc l'une des principales places que compte ce vieux quartier. Une place bruyante du fait qu'elle abrite le terminus de la ligne 18, qui relie Sidi El Houari à Yaghmoracen. C'est là que se trouve le siège de l'OPGI d'Oran, ainsi que la carcasse de l'ancienne préfecture de la ville, actuellement recouverte de maints échafaudages en vue de la transformer en musée de la mer. Mais les travaux sont à l'arrêt.
Beaucoup d'ailleurs se sont élevés contre ce projet, à l'instar de Kouider Métaïr, président de l'association Bel Horizon : «A-t-on idée de construire un musée de la mer, loin de la mer ? On donne raison à Albert
Camus qui disait qu'''Oran tourne le dos à la mer''». Entre deux cafés, place Kléber, il y a la porte de Canastel, un passage qui mène jusqu'au siège de l'association SDH, en passant par la fameuse rampe de Madrid, ainsi que la rue du même nom.
Entre parenthèses, Sidi El Houari a aussi cette particularité d'abriter la plus grande communauté féline d'Oran. Les chats de gouttière, en effet, grouillent dans ce quartier, arpentant ses toits et ses escaliers, et se faufilant dans ses bas-fonds. Cela peut s'expliquer par le fait que ce quartier pullule de restaurants à poissons, et certains sont à ce point réputés qu'on y emmène les délégations étrangères, lorsqu'elles sont en visite officielle à Oran.
La place de la République, quant à elle, est en contrebas du jardin Ibn Badis (ex-Promenade de Létang), véritable bijou de la ville, lui aussi abandonné ! Quant au boulevard Stalingrad, il se veut l'artère commerçante de Sidi El Houari, avec ses restaurants, ses cafés, mais aussi sa bibliothèque municipale. Dans une de ses rues adjacentes se trouve le cinéma Andalousia, lui aussi fermé et en état de ruine ! Il se trouve dans une rue contiguë à celle de l'Imam El Houari, qui abrite la mosquée éponyme, l'une des plus connues d'Oran, qui a donné son nom à l'ensemble du quartier.
Tout au fond du boulevard Stalingrad, on parvient au commencement de la route du ravin Ras-el-Aïn. C'est là justement que se trouve la Casbah d'Oran, dont l'accès est fermé au public. Une Casbah qui diffère de celle d'Alger, du fait qu'elle est andalouse et contient une citadelle espagnole, une caserne, une prison, et des logements. Elle abrite également le château dit «Castillo Vieijo», en ruine, qui surplombe la piscine municipale, elle aussi en ruine !
Plus loin, sur le chemin surplombant la rue Imam El Houari, c'est la Basse Casbah. Une allée au cachet historique, mais qui se trouve complètement délaissée, notamment depuis la dernière opération de relogement, qui a vu nombre de ses habitants partir. Quand on visite cette allée, on ne peut que se désoler de son état de délabrement, avec les bâtisses évacuées et démolies pour dissuader tout nouveau squatteur. Pour peu, on se croirait dans un décor de film de guerre.
En dépassant la vieille-Casbah – du moins ce qu'il en reste – on bute sur la place de la Perle, qui se targue d'être la toute première place d'Oran. Cependant, rien ne subjugue en traversant cette place se voulant historique : une petite mosquée pas tape-à-l'œil pour un sou, quelques habitations, et des bancs où les vieux aiment à s'asseoir et parloter jusqu'à l'heure du déjeuner.

Elle est surplombée par l'église Saint-Louis, site tourmenté qui a été, tour à tour, mosquée, synagogue, puis église. Aujourd'hui, ce site se retrouve livré à lui-même, complètement abandonné.
Dans cette immersion à Sidi El Houari, on ne peut s'empêcher de voir, ici et là, des habitations en ruine, des immeubles fissurés ou carrément détruits de l'intérieur, dont il ne reste que la façade pour faire bonne figure. C'est ce triste constat qui fait dire à beaucoup que Sidi El Houari est en train de s'effriter, et qu'il faut le sauver vaille que vaille. Dans cette perspective, le gouvernement a classé Sidi El Houari, en 2015, secteur à sauvegarder. «Cet acte veut dire tout simplement que la vieille ville a de la valeur. Ce n'est pas un classement en soi, c'est une reconnaissance.
Mais le plus important pour un secteur sauvegardé, c'est d'avoir son PPSMVSS (Plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé). Or depuis une année, c'est le statu quo. Qui devrait prendre l'initiative ?», se demande Kouider Métaïr, président de l'association Bel Horizon. Il veut cependant rester optimiste : «Jamais les conditions n'ont été aussi favorables pour la prise en charge de notre patrimoine que maintenant, et ce, malgré les difficultés du pays. Le contexte des Jeux méditerranéens en 2021 est aussi un moment pour améliorer l'image de notre ville en tant que ville méditerranéenne où il fait bon vivre.»
Il a aussi parlé de l'existence d'une commission nationale de l'Unesco présidée par la ministre de l'Education nationale, qui est là pour fédérer les potentialités et les traduire en projets, et dont l'association Bel Horizon est membre. «D'ailleurs, c'est dans ce cadre que le vieux projet de revitalisation de la Casbah d'Oran par l'ouverture d'un grand chantier de fouilles archéologiques a trouvé son aboutissement la semaine dernière, grâce à la disponibilité de la direction du patrimoine du ministère de la Culture et son financement par la direction générale de recherche du ministère de l'Enseignement supérieur, sur proposition de notre association», nous apprend-il.
En effet, lors d'une réunion tenue samedi dernier à Alger en présence des représentants de tous les ministères, Kouider Métaïr en a profité pour faire connaître la situation qui prévaut au Vieil-Oran, appelant à initier un projet de fouilles archéologiques dans la Casbah d'Oran. «Nous avons aussi expliqué à l'assistance pourquoi ce projet est important.
La Casbah est le noyau originel de la fondation d'Oran en 902. Elle a vu passer les Omeyyades, les Fatimides, les Almoravides, Les Almohades, les Mérinides, les Zianides, et ce, jusqu'en 1509, date de la prise d'Oran par les Espagnols. De ces six siècles de présence arabo-musulmane, nous ne disposons de presque rien en termes de reliques, pièces archéologiques, éléments architectoniques, mosaïques, poteries et autres trésors. Cette ‘page blanche' est enterrée depuis 1509.
Ce projet va nous aider à retrouver les traces de tous ceux qui ont fait Oran avant l'occupation espagnole. L'agencement de la pierre de taille des Omeyyades, par exemple, est différent du reste des bâtisseurs. C'est pour cela qu'une lecture stratigraphique, couplée aux fouilles, va nous révéler de belles surprises et de riches enseignements.
C'est enfin un acte de revitalisation des lieux, en donnant du travail à nos jeunes archéologues, historiens, architectes et autres experts». Et de conclure : «Si avec tout ça on n'avance pas, c'est que la situation est plus grave qu'on ne le pense. Maintenant sur un plan méthodologique, par quel bout commencer? La loi de protection du patrimoine nous le dit: il faut lancer immédiatement une étude pour le plan de sauvegarde. Ensuite tout deviendra plus clair: on saura ce qu'il faut restaurer, réhabiliter, rénover ou démolir.
On saura aussi qui doit le faire, selon quels critères. N'est pas restaurateur qui veut !».
Mokhtar Boumeslout, architecte, très au fait de la question patrimoniale à Oran, abonde dans ce sens : «Tant qu'il n'y a pas une approche globale du quartier, une intervention qui prend en charge l'ensemble du quartier, on ne va pas s'en sortir. Les interventions ponctuelles ne règlent rien. L'approche globale, on l'aura avec le plan de sauvegarde
C'est ce plan qui va régir toutes les futures interventions sur le quartier. Maintenant, à la question de savoir s'il faut démolir ou non, n'oublions pas que Paris ne serait pas Paris si le baron Haussmann n'avait pas créé des percées, des boulevards, et ceci nécessite justement des démolitions. Maintenant, ces démolitions peuvent être prises en charge par le plan de sauvegarde. Il y a des bâtiments qu'on peut garder, et d'autres qu'on ne peut plus garder».
Pour sa part, Kouider Métaïr rappelle que la protection du patrimoine et de la mémoire est une fonction régalienne de l'Etat : «La société civile, avec ses faiblesses, n'est qu'un appoint».
Et d'affirmer : «Nous gardons espoir que les moyens de dépassement de ce que nous appelons la crise du patrimoine historique oranais existent. Pourquoi ne pas envisager un moment de réflexion réunissant tous les acteurs pour aller de l'avant sur des bases claires en tenant compte de l'expérience des autres comme on le fait actuellement pour La Casbah d'Alger !».


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