Commémoration émouvante, mais active et originale… L'association des Amis de Safia Kettou, domiciliée à Aïn Sefra (713 km au sud-ouest d'Alger) pourrait donner des leçons en matière d'organisation d'hommages qu'elle s'attache au maximum à lier à des actions concrètes. C'est autant le rappel de la disparue que la mise en œuvre d'initiatives culturelles qui anime la démarche de ses membres. En dépit de la modicité des moyens dont ils disposent, la bonne volonté et l'imagination viennent y suppléer de belle manière. Ainsi que le signale notre confrère, Le Soir d'Algérie (30/01/18), la commémoration du 29e anniversaire de la disparition de Safia Kettou a donné lieu à l'ouverture d'une petite bibliothèque dans la gare routière de Aïn Sefra. Un lieu destiné aux voyageurs en attente de leur bus. Une manière originale de porter la lecture publique sur les lieux de vie. L'association n'en est pas à sa première action du genre. Il y a deux années, elle avait ouvert dans un café du centre, une mini-bibliothèque où, pour le coup, chacun peut concocter son propre «Café littéraire». En plus de cette action, l'association a organisé, comme de coutume pour cette commémoration, une rencontre à l'annexe de la maison de la culture Belkacem-Beghdadi. Beaucoup de poésie au programme, bien sûr, avec la déclamation de vers de l'écrivain Ahmed Derdour et la présentation des recueils de la poétesse et néanmoins doctoresse, Mme Kadri, et du jeune Difallah Cheikh. Des débats ont eu lieu également autour de l'édition en Algérie et de la contribution du livre au développement collectif et à l'épanouissement individuel. La personnalité de Safia Kettou a traversé cette journée d'hommage qui, 29 ans après sa disparition, marque encore les esprits de ceux qui l'ont connue ou l'ont découverte par la suite. Le 29 janvier 1989, soit près de quatre mois après les émeutes du 5 Octobre 1988, la jeune femme, particulièrement appréciée dans les milieux culturels pour sa simplicité, sa gentillesse et son intérêt pour la création, mettait fin à ses jours. Extrêmement sensible, peut-être démoralisée pour des raisons personnelles et certainement ébranlée par l'atmosphère lourde et déjà tragique des événements nationaux, elle mit un point final à son existence terrestre du pont du Télemly, depuis barricadé. Zohra Rabhi, pour l'état civil, née en 1944 à Aïn Sefra, cette élève brillante a été très tôt happée par les lettres et, notamment la poésie. Adolescente réservée, elle écrivait déjà régulièrement. A partir de l'indépendance et jusqu'en 1969, elle a enseigné dans sa ville natale avant de s'installer à Alger en 1969, où on lui avait confié un travail au ministère de l'Education. Sa passion pour l'écriture la conduisit aussi à embrasser une carrière journalistique. En 1973, elle est recrutée à la rubrique culturelle de l'agence nationale APS. A ce titre, elle devient vite une figure connue du microcosme culturel et commence à se signaler comme auteure. Ses recueils de poésie paraissent au Canada chez l'éditeur Naaman, qui a longtemps promu la littérature maghrébine. Son recueil le plus connu est Amie cithare, dans lequel elle exprime toute sa sensibilité à l'égard de la vie et de la nature ainsi que son dégoût du mensonge et des injustices. Elle a écrit aussi des livres pour enfants et une pièce de théâtre. Et, elle est entrée dans l'histoire littéraire de l'Algérie comme le premier auteur à avoir écrit de la science-fiction avec son recueil de nouvelles La planète mauve et autres nouvelles, toujours chez Naaman. Un texte étonnant, qui mériterait d'être réédité, de même que ses autres œuvres. Un défi que pourrait relever l'association qui porte son nom pour le trentième anniversaire de sa disparition. Souhaitons qu'un éditeur avisé vienne s'intéresser à une telle entreprise.