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Management : Propulser les managers en leaders
Repères économiques
Publié dans El Watan le 05 - 02 - 2018

Tout d'abord, on a besoin de clarifier les concepts. Socrate disait qu'il faut passer autant de temps à définir un terme qu'à l'utiliser. Ceci est nécessaire pour expliciter ses points de vue et la logique de son raisonnement. Beaucoup de gens font la confusion entre leader et manager.
Cette confusion induit des erreurs d'appréciations et a pour conséquence de négliger des activités essentielles pour former les bons managers aux bonnes méthodes. Dans la plupart des écrits et des discours, dans notre contexte, on utilise les deux concepts d'une manière interchangeable. On exhorte aussi bien le manager que le leader en lui demandant de prendre les dispositions qui s'imposent pour booster la performance.
Dans de nombreux séminaires et travaux en groupes, au niveau national, on a pu constater qu'on fait rarement la différence entre les deux. Lorsque les concepts sont flous, on peut signifier une chose mais en réalité on évoque autre chose. La communication devient difficile voire impossible si on n'est pas d'accord sur les mêmes concepts. Il arrive par exemple que des économistes font aussi cette confusion. Pour l'économiste marxiste, le capital est un rapport social de production.
Pour un keynésien ou un néo-classique, ce seraient les fonds propres d'une entreprise (en microéconomie) ou les équipements de production (en macroéconomie). Il est donc difficile de communiquer si l'on n'explicite pas les concepts. Le manager est une personne dotée de pouvoirs officiels. Il peut être le PDG ou faire partie du top management comme les directeurs de fonctions ou des mid-managers comme les chefs de département.
Ces personnes ont des positions officielles, et à ce titre, elles ont certaines prérogatives prévues par les dispositifs organisationnels. Elles ont le droit de prendre un certain nombre de décisions et exiger de leurs subordonnés d'accomplir certaines tâches. Ce sont leurs positions officielles qui leur confèrent ces droits, et donc la capacité de donner des ordres qui doivent être exécutés.
L'officiel et l'informel
Un manager a donc un pouvoir formel qui est prévu par les mécanismes organisationnels. Il a le droit de prendre certaines décisions prévues et de se faire obéir. Un directeur financier a le droit de demander à son chef de département du budget de faire cette année un budget selon deux hypothèses (budget flexible) au lieu d'un budget unique comme cela se faisait par le passé. Cependant, ce n'est pas parce que le manager a un tel droit qu'il utilise uniquement ses propres jugements pour décider.
Le bon manager, c'est celui qui utilise toute l'intelligence dont il a la charge de gérer. Mais le management de l'intelligence humaine est un autre domaine que nous envisagerons ultérieurement. On préconise au manager de faire contribuer positivement tous les cerveaux à sa disposition. Décider seul en vase clos est une attitude que tous les spécialistes en management dénoncent. D'ailleurs, c'est l'une des plus grandes tares des managers des pays du tiers-monde. Croire qu'on a toujours raison est l'attitude la plus difficile à s'en débarrasser.
Pourtant, c'est la plus prévalente. Le leader est celui qui se fait obéir même sans disposer d'un titre officiel qui exige qu'on suive ses instructions. On peut imaginer dans une entreprise au sein d'un département de production une personne très respectable, très efficace et qui aide ses collègues à bien faire. Elle est appréciée de tous et dès qu'elle émet un jugement ou une volonté elle est suivie des autres.
Cette personne est un leader parce que les autres la suivent sans qu'elle ne dispose d'un titre officiel. La plupart des gourous du leadership le définissent comme la capacité à influencer les autres et à se faire obéir. Une personne peut donc être leader sans avoir un poste de travail formel qui exige qu'on suive ses directives.
Sa capacité d'influencer autrui peut provenir de différentes sources : ses compétences, son expérience, son comportement, etc. mais où est le problème ? Il est de taille. Les avis du leader sont suivis parce que les membres du cercle d'influence aiment exécuter sur terrain ses points de vue. C'est de gaîté de cœur que les membres de son cercle le suivent. Il peut avoir un pouvoir informel qui dépasse de loin celui des dirigeants.
Utiliser tout le pouvoir disponible
Dans une entreprise, il y a des gisements importants de leaderships qui peuvent être mobilisés pour booster les performances. Nous sommes en train de simplifier les mécanismes très complexes du développement et de la canalisation du potentiel de leadership dans les entreprises. Si on analysait l'expérience de l'entreprise algérienne, nous aurions deux gros problèmes, comparativement à celles qui ont un management de classe internationale.
Il y a quelques entreprises algériennes qui savent utiliser le potentiel de leadership de leurs ressources humaines. Malheureusement, elles ne sont pas nombreuses ! La plupart se contentent de gérer les aspects formels et donc compter uniquement sur l'organisation officielle : l'organigramme, les fiches de poste, les procédures, etc.
Ces outils sont vitaux. Sans eux, aucune organisation ne peut fonctionner adéquatement. Mais s'en tenir uniquement à l'organisation formelle va induire pour l'entreprise une déperdition énorme de potentiel d'amélioration. Nous parlons d'entreprises, mais ces dispositions sont aussi valables pour les ONG, les administrations et le reste des institutions à but non lucratif. Le premier problème concerne les ressources humaines sous-utilisés.
Le second est beaucoup plus grave. Il a trait à la préparation et à la formation de nos managers. Certes, la plupart des business schools nationaux donnent les outils de base comme fondements de la préparation de nos futurs managers et du recyclage des opérationnels. Mais la préparation des dirigeants à différents niveaux hiérarchiques pour assumer leur rôle de leader est peu présente dans nos cursus universitaires et dans les plans de formation de nos entreprises.
L'idéal serait que les managers deviennent également des leaders. Le processus s'apprend, mais avec beaucoup de sérieux, d'abnégation et de coaching. Un manager qui utilise uniquement son autorité formelle obtient de ses subordonnés une piètre performance. Les personnes sous son autorité hiérarchique feront semblant de lui obéir et de travailler. Leur niveau de performance sera moins du un cinquième de leurs capacités. Ceci explique en grande partie les performances trop insuffisantes de nos entreprises et de nos institutions à but non lucratif.
Très peu de nos managers ont des qualités de leadership qui leur auraient permis de démultiplier les performances de leurs institutions. C'est une problématique que peu de gens posent. En réalité, les problèmes de management stratégique et opérationnel sont si nombreux et si complexes, dans notre contexte, que la question du leadership est reléguée au second plan. Mais elle cause énormément de tort à nos institutions.


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