Gaïd Salah qui hausse le ton de la menace contre les anciens retraités de l'armée, Benghebrit qui prend sur elle la responsabilité de licencier les enseignants grévistes, Hasbellaoui qui refuse toute concession aux médecins résidents, et Ould Abbès qui veut se prémunir du «scénario de 2004» après le coup de traîtrise signé Tliba. Voilà à quoi se résume l'actualité politique et sociale du pays au moment où le ministre du Commerce affirme qu'il y a péril dans la maison Algérie. Est-ce pour masquer son impuissance à se mettre à la hauteur des grands défis stratégiques de développement qui nous interpellent que le pouvoir donne ainsi l'impression de se mordre la queue en se noyant dans des épreuves épuisantes qui relèvent de la simple revendication syndicale ? Tant de bravade de sa part pour des litiges qui s'apparentent à des broutilles devant l'immensité des enjeux économiques pour lesquels il doit mobiliser ses ressources et son énergie, il y a vraiment de quoi désespérer de sa volonté de s'élever au-dessus des contingences mineures pour donner au pays une autre dimension de grandeur. Et dans cette optique, on remarque qu'à travers les institutions qui le représentent, il (le Pouvoir) ne sait parler que le langage de la répression, ou de la suffisance alors que la voie de la concertation s'impose à tous les niveaux et en toutes circonstances. Si les retraités de l'armée maintiennent la pression pour défendre leurs droits, c'est qu'ils ont des raisons bien légitimes pour aller dans cette direction. Ils ne cherchent pas l'affrontement pour l'affrontement, mais posent de vrais problèmes sociaux qui ont été passés sous silence jusque-là, ou qu'ils ont enduré longtemps en espérant un jour leur règlement de manière équitable. C'est en ne voyant rien venir de la part de l'institution militaire qu'ils se sont solidarisés pour interpeller, par des marches pacifiques, les responsables concernés sur une situation sociale qui devenait pour eux assez préoccupante. Au lieu de les écouter, l'institution militaire à préféré la mise en garde dans le but de couper court à la protestation, évoquant au passage des tentatives de manipulation par des «parties» non identifiées qui seraient derrière les manifestants. Qui sont ces parties citées par Gaïd Salah et qu'on devrait deviner à travers certaines plumes malveillantes ? On ne le saura peut-être jamais. Mais dans ce conflit à distance qui semble déséquilibré entre une institution forte de ses positions et un mouvement de contestation confiant en ses convictions, c'est le raccourci de la langue de bois et du traitement expéditif d'une revendication qui n'a rien de politique, encore moins de propension séditieuse, qui sont à retenir comme arguments centraux de défense pour la partie officielle à chaque fois qu'elle est mise devant ses responsabilités. Les retraités de l'armée ont toujours entretenu des rapports corrects et cordiaux avec leur institution. Pourquoi les considérer aujourd'hui comme des éléments nuisibles, réfractaires, dont les doléances n'ont pas le droit d'être discutées, même si parmi elles certaines paraissent excessives et donc non recevables ? Dans un Etat démocratique, fermer systématiquement les portes de la concertation est un non-sens très dommageable pour la stabilité sociale, c'est pourtant ce réflexe qui domine encore de nos jours comme peuvent en témoigner de nombreuses parties en conflit avec leurs secteurs ou avec les autorités et auxquelles il faut toujours une résistance ardue pour arracher quelques maigres satisfactions à leurs revendications. Un véritable parcours du combattant pour des requêtes légitimes et reconnues par la loi. Les médecins résidents et les enseignants qui ont choisi d'aller jusqu'au bout de leur lutte pour leurs droits sont pour l'heure dans une situation de statu quo. Le ministère de la Santé tout comme celui de l'Education nationale refusent de faire les concessions nécessaires pour que les blouses blanches retrouvent au plus vite leurs patients dans les hôpitaux et les enfants le chemin des classes. Aux uns, c'est la tergiversation manœuvrière pour éviter l'essentiel des préoccupations qui est opposée avec un aplomb remarquable, aux autres, c'est carrément le recours au licenciement des «meneurs» qui est décidé sans tenir compte des conséquences graves qui pourraient découler d'une telle mesure. L'intransigeance formelle pour ne céder à aucune pression. Résultat : les deux conflits qui tiennent le haut de l'actualité s'enfoncent dans le pourrissement, faute d'une entente réciproque sur les points névralgiques des litiges. Qui est gagnant, qui est perdant dans l'affaire ? Si les deux ministères peuvent s'estimer satisfaits de leurs positions en refusant tout compromis qui remettrait en cause l'autorité de l'Etat, ce sont les malades et les élèves qui pâtissent le plus de cette confrontation sans fin et qui laissera des traces, et dont les dégâts seront attribués aux représentants du gouvernement qui, selon l'opinion publique, n'auront pas fait les efforts nécessaires pour lever les obstacles. D'ailleurs, les médecins résidents ont suscité un vaste mouvement de sympathie à travers les réseaux sociaux quand ils ont quitté l'enceinte de l'hôpital Mustapha pour investir la place du 1er Mai devant un service d'ordre impressionnant qui s'est retenu cette fois d'user de violence pour empêcher le regroupement. «Nous sommes fiers de vous !», ont tweeté à l'unanimité les internautes pour soutenir les toubibs en colère qui ont cependant tout fait pour éviter les dépassements. Une solidarité qui a une grande signification dans ces moments de cassure, voire de perte de confiance qu'éprouvent les citoyens envers leurs dirigeants. Qui pourrait soutenir le contraire ? Certainement pas ce tragique vaudeville qui se joue actuellement à l'intérieur du FLN livré à des marchands de tapis pour qui faire de la politique reste une notion abstraite, étroitement liée toutefois avec le business. Il n'y a qu'à suivre les tribulations burlesques de son chef pour se rendre compte que dans le vieux parti, ce sont les intrigues de coulisses qui priment. En haut de l'affiche, des énergumènes comme Tliba qui alimentent le vivier des manigances pour que la série ne s'arrête jamais. En toile de fond, les coups bas, l'allégeance, les compromissions et le culte de la personnalité poussé à l'extrême. C'est en alignant des personnages hors normes comme Tliba, Ali Haddad, Amar Saadani, Ould Abbès, Amar Ghoul et bien d'autres qui prolifèrent à l'intérieur des institutions que nous comprenons pourquoi l'Algérie vit un véritable drame civilisationnel. Ce sont ces personnages qui nous dirigent, qui animent notre politique, qui défendent l'intérêt de notre pays. C'est tout dire…