Tahar Belabès, ex-leader de la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs, a comparu dimanche soir devant la chambre correctionnelle n°1 de la cour de Ouargla. Répondant à une convocation datant du 2 janvier dernier l'invitant à se présenter le 18 février en qualité d'accusé pour le chef d'inculpation d'incitation à attroupement non armé, M. Belabès avait écopé de 2 mois de prison ferme lors du jugement par contumace de son affaire le 21 février 2017 par le tribunal de Ouargla. Suite à son appel, un acquittement a été prononcé par la cour de Ouargla en janvier 2018. Un jugement considéré en deçà du réquisitoire du parquet qui a interjeté appel et requis une nouvelle fois 2 mois de prison ferme assortis d'une amende de 50 000 DA. Le jugement en appel sera prononcé le 25 février prochain. Seul devant ses juges, Tahar Belabès est son propre avocat, il assure lui-même sa défense puisque les avocats de la région ont toujours refusé de s'impliquer dans les affaires concernant les chômeurs, hormis de rares fois où des avocats commis par la Ligue des droits de l'homme se sont déplacés pour les défendre. Honte Son plaidoyer d'hier a consisté en la dénonciation d'une cabale judiciaire à son encontre et d'un harcèlement policier le privant de ses libertés fondamentales, allant jusqu'à l'empêcher de quitter le territoire national sans aucune raison valable, estime-t-il. M. Belabes a expliqué que le fait d'être inculpé pour un délit basé sur des rapports sécuritaires est en soi une honte pour la justice algérienne. «Je me présente devant vous pour la troisième fois en une année, les appels du parquet qui me poursuit à chaque acquittement n'ont qu'une seule signification et vous la connaissez.» M. Belabes a donc invité les magistrats à l'inculper en flagrant délit, la prochaine fois, dans la rue lors d'une manifestation publique. Pour le leader du mouvement des chômeurs, la seule réponse valable dimanche soir au juge qui lui demandait ce qu'il voulait était : «Rien monsieur le juge.» M. Belabes, s'estimant innocent, refuse de quémander un acquittement lui revenant de droit, dit-il. Il dénonce avec force son interdiction de sortie du territoire national qui n'a jamais été signifié par une autorité judiciaire et réfutée par les parquets d'Annaba, Alger et Ouargla. S'insurgeant contre une situation absurde visant à le pousser à bout, M. Belabes se dit prêt à faire une nouvelle tentative de s'envoler vers l'étranger en mars prochain puisque rien ne l'empêche de le faire, selon les affirmations des juges. Harga En mars 2013, M. Belabes s'est vu refuser l'accès en Tunisie par voie terrestre alors qu'il s'apprêtait à participer au 12e Forum social mondial. Même topo en décembre 2016, à l'aéroport Houari Boumediène, alors qu'il comptait se rendre au Maroc pour participer, avec d'autres militants des droits de l'homme algériens, au 4e Forum social maghrébin. Sa tentative de harga par Annaba s'est également soldée par un échec et une escroquerie que la justice a pu dénouer et en a jugé les instigateurs. Invité à s'exprimer le 14 mars prochain au Brésil lors du Forum social mondial, le spectre d'un refoulement à la PAF le hante de nouveau. M. Belabes doit intervenir sur le combat des chômeurs du Sud pour l'emploi, le logement, le développement local ainsi que les questions environnementales et à leur tête les choix énergétiques de l'Algérie, l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste. A souligner que suite à la publication d'un communiqué de la Coordination nationale de la CNDDC mettant en garde contre la répression subie par Tahar Belabes et les autres activistes, y compris Naoufel Chekaoui, coordinateur national de la CNDDC actuellement sous contrôle judiciaire, Frontline defenders vient de lancer via son site web un appel à la solidarité avec M. Belabes. En publiant un compte-rendu circonstancié sur le harcèlement policier et judiciaire contre l'activiste et ses camarades de la CNDDC, Frontline defenders estime que l'Algérie porte une nouvelle fois atteinte aux droits de l'homme en séquestrant ses activistes dans une prison à ciel ouvert. C'est justement la menace de la perte de sa liberté qui plane avec le risque d'emprisonnement le 25 février prochain, au cas où la cour se plierait au réquisitoire du ministère public demandant le maintien de la peine de 2 mois de prison ferme. Sur son mur Facebook, M. Belabes s'estime déjà dans une prison morale et n'a pas exclu une liquidation physique tout en réitérant sa détermination à réclamer son droit à la liberté de circulation à l'intérieur et l'extérieur du pays.