Appliquant scrupuleusement les menaces du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar, la direction de l'Ecole normale supérieure de Constantine (ENS) passe à l'acte en sévissant contre les étudiants grévistes. Rajoutant une louche à la crise qui paralyse ces écoles supérieures et fragilise le rapport entre étudiants et administration, les responsables de l'école ont exclu définitivement, hier matin, le représentant des grévistes, Anouar El Hadi Noui et un étudiant, Khaled H'chaïchi en l'occurrence. Un épisode de trop dans cette escalade à laquelle le gouvernement ne trouve pas d'issue. Tout a commencé lorsque l'administration a adressé une convocation aux deux représentants normaliens pour comparaître devant le conseil de discipline mardi dernier. Les deux étudiants ont été accusés d'«entrave au bon fonctionnement de l'établissement et à l'activité pédagogique», des agissements provoquant le désordre, et «atteinte à la sécurité de l'école». Des convocations qui ont provoqué l'ire de leurs collègues étudiants, qui ont tenu un mouvement de protestation, toute la journée de mardi, en guise de solidarité avec leurs représentants. «Après l'échec des moyens de dissuasion utilisés par les deux tutelles concernées, afin de nous faire abdiquer, elles passent à l'exclusion pour faire peur aux autres étudiants. Mais ces derniers sont déterminés à aller jusqu'au bout de la grève», nous a déclaré Anouar El Hadi Noui, qui n'a pas manqué d'exprimer son regret envers le comportement de la direction de l'école, qui les a traités de «criminels» menaçant la sécurité de l'établissement. Après la tenue du conseil de discipline, les étudiants solidaires présents sur les lieux ont fermé les portes de l'établissement, en empêchant les responsables et les travailleurs présents de quitter les lieux. Et ce n'est qu'après l'intervention des services de sécurité, qui ont tenu un rôle de médiation, et les promesses du directeur d'études de ne pas exclure les représentants, que ces étudiants ont rouvert les portes. Hélas ! La surprise des étudiants fut plus grande, après l'affichage des résultats du conseil de discipline, hier matin. Anouar El Hadi Noui et Khaled H'chaïchi ont été définitivement exclus de l'école. Cette mesure a provoqué un nouveau mouvement de protestation, durant la journée d'hier, marqué par la démission collective d'environ 200 normaliens. Rappelons que les étudiants de l'Ecole normale de Constantine sont en grève depuis novembre dernier. Ils organisent chaque semaine un rassemblement au centre-ville, dans le but de réclamer le respect de la clause n°4 du contrat qu'ils ont signé avec le ministère de l'Education nationale et qui stipule leur recrutement dans les wilayas de leur résidence, dès la fin de leur cursus. Mais après les ultimes avertissements de Tahar Hadjar, les grévistes ont paralysé, toute la matinée de mardi derniers, la circulation du tramway au niveau du terminus à Zouaghi pour se faire entendre et appeler les deux tutelles à ouvrir les portes du dialogue. Ce mouvement de protestation a été suivi d'une imposante marche, organisée par des centaines de normaliens entre Zouaghi et leur école, située au sein du pôle universitaire Salah Boubnider (Constantine 3), dans la ville de Ali Mendjeli. Sur le chemin, une dizaine d'étudiants ont été violemment chargés par les brigades antiémeute de la Gendarmerie nationale. Ils ont été violentés à coups de matraque. Plusieurs blessés ont été enregistrés lors des accrochages et transportés vers différents établissements hospitaliers. Par ailleurs, une vingtaine d'entre eux ont été interpellés par les gendarmes avant d'être relâchés en fin d'après-midi. Notons qu'à l'heure où nous mettons sous presse, les étudiants étaient encore en négociation avec le directeur de l'ENS de Constantine.