Lors du déclenchement de la crise de 2014, un vent de panique s'empara des citoyens et des pouvoirs publics. On se demandait quoi faire. Il y avait deux situations qui inquiétaient les citoyens et les analystes. En premier lieu, nous avions vécu une situation presque similaire en 1986. On a mal riposté et les conséquences furent dramatiques. Cette situation économique a été en partie responsable du chaos des années quatre-vingt-dix. Bien sûr que les aspects politiques ont pesé plus lourdement sur la situation. Mais on n'est pas arrivé à redresser la situation jusqu'au boom des prix des hydrocarbures au début des années 2000. Certes, on était en 2014 en situation plus confortable de par les réserves qui atteignirent 189 milliards de dollars. On avait les moyens d'avoir une riposte plus robuste. Mais on savait que les réserves nous procureraient un répit de quelques années, mais ne nous garantiraient pas une solution définitive au sempiternel problème de dépendance vis-à-vis du marché des hydrocarbures. Le deuxième souci nous venait du Venezuela. Un pays hautement plus riche que nous, qui se voyait aspiré par la spirale de la récession, du chômage et du chaos économique. Il fallait concevoir un plan de riposte d'urgence puis un plan d'émergence sur le long terme. Le plan de riposte comportait un certain nombre de dispositions qui étaient salutaires pour le pays. Il faut se souvenir de la situation de l'époque. En 2014, on commençait à parler d'un nouveau plan de relance de plus de 380 milliards de dollars qui devait concerner surtout les infrastructures (autoroutes et chemins de fer des Hauts-Plateaux, infrastructures gigantesques). Si ce plan avait été exécuté, on aurait épuisé les réserves et aujourd'hui on aurait été dans la situation du Venezuela. Heureusement que la plupart des dépenses prévues par le plan furent gelées. Les pouvoirs publics ont évité ainsi un chaos économique et social. Par la suite, un plan de consolidation budgétaire fut adopté pour situer une trajectoire budgétaire qui devait aboutir à un équilibre progressif sans trop alourdir la pression fiscale et en comptant sur une croissance modérée pour faire fonctionner le dispositif. Dans sa globalité, le plan était en train de fonctionner. Le pays a évité le pire et malgré les problèmes économiques et sociaux inévitables, les dangers essentiels (inflation à plus de 30% et chômage de grande masse) ont été évités. Les nouvelles dispositions : Continuité ou rupture ? Le succès relatif du plan de riposte ne doit pas nous faire oublier deux problèmes essentiels. En premier lieu, le plan d'émergence (par exemple, Algérie 2040) n'a pas vu le jour. Or, il est impératif d'avoir des orientations stratégiques pour y insérer les réformes et construire une économie indépendante des hydrocarbures. Le second volet concerne le paquet de réformes structurelles qui attendent toujours (l'éducation, la modernisation managériale, le développement humain etc.). La réforme des fondamentaux a été occultée au nom de l'urgence. Le plan de riposte gagnait en maturité, mais les problèmes des fondamentaux (création d'entreprises, bureaucratie, industries du savoir, etc.) étaient en suspens. Par la suite, on assistait à un revirement des politiques macro-économiques. Pour rendre justice aux décideurs actuels, on nous assure que ces déviations de politiques économiques sont tout à fait temporaires (une à deux années) et justifiées par des considérations objectives. Deux dossiers lourds pesaient sur les épaules des décideurs. En premier lieu, les restes à réaliser des différents plans. On avait beaucoup d'équipements sociaux économiques à moitié construits et qui pourraient se détériorer sans l'intervention des pouvoirs publics. Il fallait donc des décisions fortes pour sauvegarder ces équipements. En second lieu, les dettes de l'Etat vis-à-vis des entreprises publiques et privées étaient énormes. Certaines entreprises fermaient à cause de ces dysfonctionnements. Ces deux facteurs étaient présentés comme la raison majeure des déviations par rapport au dispositif de consolidation budgétaire. Mais il fallait les chiffrer, les intégrer dans le dispositif et repousser de quelques années l'horizon d'équilibre pour que les anticipations des acteurs économiques demeurent optimistes. La crédibilité des politiques économiques auprès des citoyens et surtout des hommes d'affaires nationaux et étrangers est cruciale à la réussite de ces décisions. D'ailleurs, le FMI considère que ces nouvelles dispositions (financement non conventionnel) sont de nouvelles politiques économiques en soi. Nous avons besoin de continuité de politiques économiques. Pour cela, les dispositions dues aux contraintes (dettes et finalisation de projets) doivent être intégrées dans le même schéma de consolidation budgétaire pour qu'on puisse parler de continuité et non de rupture. Importance de la continuité Les anticipations jouent un rôle central dans les dynamiques économiques des nations. D'ailleurs, les querelles entre chercheurs actuels en macro-économie concernent surtout la manière dont les agents économiques formulent des anticipations. Lorsque les politiques économiques sont stables et prévisibles, les acteurs économiques sont encouragés à s'engager sur le long terme : investir, se former, prendre des risques calculés, etc., lorsque les politiques économiques sont fortement changeantes et imprévisibles, les agents économiques demeurent perplexes, déroutés et leurs agissements vont être tout à fait contraires aux intérêts de l'économie nationale. Il est important d'expliquer que les dernières mesures sont exceptionnelles et qu'elles ne constituent pas une remise en cause de la doctrine économique passée. Si tel était le cas, on gagnerait à réviser la trajectoire budgétaire et donc on l'actualise à la lumière de ces nouveaux développements. Si par contre les mesures sont l'aboutissement d'une nouvelle doctrine, il faut alors revoir la planification budgétaire pour préciser l'horizon d'équilibre budgétaire. En tout état de cause, lors de la formulation de nouvelles mesures, il y a toujours lieu de les insérer dans des dispositifs du long terme. Les agents économiques apprécient le fait de leur faciliter la lisibilité des futurs développements économiques. Ils en récompensent les décideurs par des actions d'investissement, de consommation et d'épargne compatibles avec les objectifs des décideurs. Sinon leur comportement va mettre en péril les objectifs des décideurs économiques.