Les conflits armés font de plus en plus de victimes parmi les civils dont les journalistes. Sur l'initiative de deux députés français, Pierre Lelouch (UMP), et François Loncle (socialiste), en soutien à l'action de Reporters sans Frontières, la diplomatie française conjointement avec la Grèce a présenté, le 4 décembre, devant le Conseil de sécurité de l'ONU un projet de résolution sur la protection des journalistes en zones de conflits armés. Ce projet devrait être adopté incessamment. « Face à la recrudescence de ces drames qui portent atteinte au cœur même du métier de journaliste, qui mettent en péril le droit d'accès à l'information, qui entravent la liberté d'expression, nous avons le devoir d'apporter une réponse forte », a souligné le ministre des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy, hier matin, lors d'une rencontre avec la presse organisée conjointement avec Reporters sans frontières. Ajoutant que par ce projet de résolution dont est saisi le Conseil de sécurité, il s'agit d'abord de « rappeler à toutes les parties à des conflits leurs obligations en matière de protection et de sécurité des journalistes. Ces obligations incombent en premier lieu aux gouvernements ». En second lieu, il s'agit de « réaffirmer l'obligation pour les Etats de prévenir les crimes perpétrés à l'encontre des journalistes, et quand ces crimes sont commis, d'enquêter, d'appréhender les responsables et de les juger. » En troisième lieu, d' »affirmer solennellement notre engagement commun à respecter l'indépendance des journalistes. » Et enfin, « il est demandé au Secrétaire général des Nations unies de se saisir systématiquement de la question de la sécurité des journalistes, professionnels des médias et personnels associés dans le cadre de ses rapports réguliers sur la situation des populations civils dans les conflits armés ». Depuis 1992, Reporters sans frontières a recensé 774 journalistes tués dans le monde, dont 386 en zones de conflit, soit la moitié. En 2006, 44 journalistes ont été tués dans une zone de conflit dont 39 en Irak. La guerre en Irak est sans doute le conflit le plus meurtrier pour les journalistes depuis la Seconde guerre mondiale, relève Reporters sans Frontières. A ce jour, 139 journalistes et collaborateurs des médias ont été tués en Irak depuis le début du conflit, le 20 mars 2003. En Irak toujours ce sont les journalistes locaux qui ont été les plus nombreux à être tués. 84% des journalistes et collaborateurs tués depuis trois ans sont de nationalité irakienne. Contrairement aux idées reçues, les journalistes américains ou anglais n'ont pas été les plus touchés par la guerre en Irak. Ceci est dû certainement aux mesures de sécurité draconiennes adoptées par la majorité des médias anglo-saxons. La rédaction la plus touchée est celle de la chaîne de télévision nationale Al Iraqiya. Seize de ses journalistes et assistants ont été tués en trois ans. Tewfik Benaïchouche, journaliste à RFI, qui a rappelé que 67 journalistes algériens ont été tués en Algérie parce qu'ils n'étaient pas protégés, parce qu'ils ne pouvaient quitter l'Algérie, faute de visas, a suggéré que des visas soient accordés aux journalistes locaux dans les zones en conflit armé pour « souffler » et reprendre des forces avant de retourner à leur activité. Une suggestion reprise par un journaliste irakien qui a témoigné des conditions dans lesquelles travaillaient ses collègues, ne disposant d'aucun moyen de protection, alors que ceux qui étaient tués ont laissé leurs familles dans une grande précarité. Il a demandé que les journalistes irakiens puissent bénéficier d'une formation pour les informer sur les dangers, pour mieux se protéger, ainsi que la création d'un fonds d'aide aux familles de journalistes tués. Florence Aubenas s'est demandé « Si en protégeant une corporation on protège tout le monde ? » « Faut-il distinguer parmi les civils ceux qui doivent être le plus protégés ? S'est-elle interrogée ajoutant que « c'est un problème de conscience » et que « c'est un débat ouvert ». Ce à quoi le ministre Douste-Blazy a répondu que la protection des journalistes dans l'exercice de leur activité est un droit, tout comme pour les travailleurs humanitaires.