Les premiers maquignons ont installé leurs quartiers dans la périphérie de Constantine dès la deuxième semaine du mois de décembre. La route de Aïn El Bey demeure toujours un lieu privilégié pour les commerçants qui y trouvent des abris pour leur bétail mais aussi de petites fermes improvisées où l'eau est assurée en abondance. Située à proximité d'une cité en pleine expansion à mi-chemin entre le centre-ville et la nouvelle ville Ali Mendjeli, la région a été de tout temps le baromètre des prix à l'approche de l'Aïd El Adha. Depuis plusieurs jours, des citoyens font le déplacement pour revenir bredouille. « Les prix sont trop élevés par rapport à l'année écoulée même si la qualité du produit est assez bonne », nous révèle un sexagénaire qui se dit être un habitué des lieux. Le premier maquignon que nous avons rencontré sur la route de Aïn El Bey est originaire de Chréa dans la wilaya de Tébessa. Il a fait un long déplacement avec plus de 150 bêtes bien engraissées. Il hésite longtemps à nous parler des prix comme s'il cherchait à ne pas dévoiler ses cartes. « Les prix sont les mêmes que ceux de l'année passée », annonce-t-il sur un ton évasif. « Les choses ne sont pas encore claires ; les maquignons attendent toujours une réaction de leurs clients potentiels », nous explique un citoyen qui se dit être intéressé par cette race de mouton que certains apprécient pour la qualité de sa viande. Devant notre insistance, le maquignon de Chréa tente de contourner la question pour parler plutôt des prix exorbitants des aliments de bétail. Comme pour nous présenter des preuves, le cheikh Rabah nous montre une facture. Il dira sur le ton de quelqu'un qui proteste : « J'ai acheté de l'orge à 2300 dinars/ le quintal et on m'a cédé difficilement le quintal de maïs pour 2100 dinars. Ces produits n'excédaient pas 1800 dinars/le quintal depuis une année. Pour 800 dinars, la botte de foin est devenue presque inabordable ». Ces affirmations n'arrivent pas à convaincre certains connaisseurs avertis, qui nous révèlent que les maquignons avancent la cherté des aliments et la rareté des pâturages suite à une longue période de sécheresse pour justifier les prix alors que nombreux parmi eux ont eu recours à une alimentation de substitution achetée chez les aviculteurs. Les premières négociations prennent des allures d'un discours de sourds. Ceux qui ont osé donner le ton trouvent que la barre a été placée plus haut. Pas la peine de rouspéter. Les prix semblent être déjà fixés. Il faudra entre 27 000 et 32 000 dinars pour une bête bien engraissée. Il est évident de dire que ce cera dur pour des salariés, obligés d'attendre un prêt ou un paiement par facilité grâce aux achats groupés effectués par les œuvres sociales des entreprises.Une procédure que certaines entreprises ont adoptée depuis quatre ans. Plus loin, à quelques dizaines de mètres du lieudit les Quatre-Chemins, sur la route Aïn M'lila, des maquignons originaires de Ouled Hamla, dans la wilaya d'Oum El Bouaghi proposent des prix allant de 21 000 à 28 000 dinars pour des bêtes de carrure moyenne. Il faudra encore négocier. Les plus expérimentés optent plutôt pour des achats chez les engraisseurs établis dans les fermes des petites localités de Teleghma et Oued Seguen dans la wilaya de Mila. Des commerçants et même des administrateurs s'improvisent en engraisseurs à sept mois de l'Aïd. La plupart proposent des bêtes vendues vivantes au kilo. Pour 350 dinars/le kilo, certains font de bonnes affaires puisque ainsi le mouton fait entre18 000 et 20 000 dinars. De quoi sauver la face alors que pour d'autres il faudra attendre les derniers jours pour voir une probable accalmie.