C'est la première fois que Sellal instruit ses services afin de procéder à la fermeture d'une unité de mise en bouteille. Le groupe des entreprises Tounsi vient d'être mis en demeure par le ministère des Ressources en eau à l'effet de « cesser immédiatement l'activité de mise en bouteille » de l'eau de source de Sidi Ali Benyoub, dans la wilaya de Sidi Bel Abbès, selon le directeur de wilaya de l'hydraulique, M. Ghorzi. La décision de fermeture établie le 19 novembre dernier par la direction de l'hydraulique prévoit une cessation d'activité jusqu'à « la mise en conformité de l'unité avec la réglementation régissant ce type d'activité et notamment l'obtention d'une concession d'exploitation à des fins commerciales ». La commission interministérielle chargée de passer la filière des eaux minérales et des eaux de source au peigne fin, qui n'a pas encore achevé ses travaux, s'est fixé comme dernier délai le 31 décembre prochain pour l'assainissement de la filière. L'exploitation d'un point d'eau ne peut ainsi s'exercer qu'après octroi d'une concession à des fins commerciales par arrêté du ministre des Ressources en eau, est-il rappelé. Or, l'unité de Sidi Ali Benyoub a été inaugurée en mars dernier, en présence du wali, sans disposer pour autant d'un arrêté ministériel, selon une source autorisée. La mise en demeure adressée au gérant de l'unité, Tounsi Omar, n'écarte pas, en outre, l'éventualité d'une action en justice à son encontre pour « activité non autorisée de mise en bouteille et d'usage illicite du domaine public hydraulique ». La direction de l'hydraulique s'est appuyée dans sa décision, signale M. Ghorzi, sur le constat établi, le 12 novembre dernier, par les agents habilités de l'ADE de Sidi Bel Abbès faisant ressortir « l'utilisation d'un branchement illicite sur le réseau d'AEP à des fins de mise en bouteille ». Des agents assermentés de la police des eaux, relevant de la direction de l'hydraulique, ont dressé le même constat le 11 novembre, ajoute-t-il. Pour rappel, l'ADE a enregistré « un flagrant délit d'approvisionnement en eau par branchement illicite au réseau public d'eau potable », selon une dépêche de l'APS reprise en novembre par plusieurs titres de la presse nationale. « Ladite entreprise puisait l'eau par le biais d'un raccordement effectué clandestinement au niveau de la station de refoulement de Aïn Sekhouna », soulignait la dépêche de l'APS, précisant que l'ADE avait engagé aussitôt une procédure judiciaire à l'encontre du contrevenant. Quelques jours après, le gérant de l'usine réplique par le biais d'un droit de réponse où il mentionne que « l'accusation du directeur de l'ADE est sans fondement et ne le concerne ni de loin ni de près ». GRAVES MENACES Il affirme également que l'usine implantée à Sidi Ali Benyoub ne cause aucun problème aux eaux souterraines et se dit fort d'une autorisation- dont il ne précise pas l'objet- portant le numéro 2499, délivrée par la direction de l'hydraulique le 6 décembre 2003. Le gérant de l'unité va encore plus loin et tente de décrédibiliser et le directeur de l'ADE et le représentant de l'agence officielle de presse (APS) à Sidi Bel Abbès, en « bombardant » bon nombre de rédactions de démentis et de mises au point. Du côté de l'ADE, l'affaire prend une tout autre tournure. Des employés de l'Algérienne des eaux révèlent qu'ils ont été « menacés et insultés », dans l'exercice de leur fonction, par le gérant de l'unité. Effectivement, dans un rapport circonstancié remis à l'inspecteur général du ministère des Ressources en eau, et dont nous disposons d'une copie, le directeur de l'ADE fait état de graves menaces contre sa personne. « Suite à la baisse du débit de la source de Sidi Ali Benyoub et aux plaintes des citoyens alimentés à partir de cette source, nous avons instruit nos services de procéder, le 11/11/2006, à la coupure du branchement illicite sur la conduite d'adduction alimentant l'usine d'eau minérale », commence par expliquer M. Mahmoudi, directeur de l'ADE. Cet ancien branchement sur la conduite de refoulement alimentait une ferme (Corteaux) au moyen d'une vanne qui était jusque-là fermée. Bien auparavant, il a été constaté sur place que le gérant avait rouvert cette vanne et procédé à une réfection avec un gros diamètre. Déjà au mois d'août dernier, une plainte a été déposée près le procureur de la République du tribunal de Ben Badis mais « aucune suite n'a été donnée », s'étonne le responsable de l'ADE. Et d'enchaîner : « Le 4 novembre 2006, au vu de la baisse du niveau de la source de Aïn Sekhouna et à la perturbation qu'elle engendrait dans l'alimentation en eau potable des citoyens des centres urbains se trouvant sur le couloir Sidi Ali Benyoub-Sidi Bel Abbès, j'ai instruit mes services pour procéder à une enquête approfondie. Cette enquête a révélé la présence de ce branchement illicite que M. Tounsi a refait lors de l'installation de l'électricité, ce qui fait que ce branchement est tout près d'une ligne de 30 000 volts avec tout ce que cela représente comme danger ». Dans la journée du 11 novembre, poursuit-il, les agents de l'ADE se sont déplacés sur les lieux et ont été empêchés par le gérant et ses employés de procéder à la coupure d'eau. « Ils ont été menacés et insultés par M. Tounsi », insiste-t-il. Alertée, la brigade de gendarmerie a refusé, selon les dires du directeur de l'ADE, de porter assistance aux agents de l'ADE. Par contre, fait-il remarquer, la gendarmerie s'est déplacée quand le gérant de l'usine l'a interpellée sous prétexte que la vanne d'arrêt se trouvait à proximité d'un câble de 30 000 volts. Ainsi, il a fallu patienter jusqu'à ce que les agents de Sonelgaz arrivent sur place, à sa demande, pour procéder au déblai, indique Mahmoudi. « La nuit tombée, nous avons remis la poursuite des travaux à une date ultérieure puisque M. Tounsi a ordonné à ses employés de se jeter dans la fosse pour nous empêcher de remblayer. Le lendemain, les éléments de l'Algérienne des eaux, accompagnés de Mokadem Miloud, employé de la direction de l'hydraulique et ayant la qualité de la police des eaux se sont déplacés sur les lieux pour continuer leur travail, ils se sont heurtés encore une fois aux intimidations et insultes de M. Tounsi qui les a empêchés de procéder à la coupure », écrit M. Mahmoudi. Cette affaire aux relents de véritable scandale aurait été cependant délibérément « étouffée » durant des mois par des responsables de la wilaya, à en croire certains échos. Et pour preuve, ces mêmes responsables sont censés ne pas ignorer que l'unité a été mise en fonction au mois de mars 2006 sans autorisation préalable. Selon des cadres de la direction de l'hydraulique et de l'ADE, des pressions ont été « exercées » par des responsables locaux pour que ces atteintes au domaine hydraulique public ne soient pas ébruitées.