L'image du pape Benoît XVI en prière à côté d'un religieux musulman à la mosquée Bleue d'Istanbul a conclu sur un mode apaisé une année assombrie par la montée des tensions religieuses, de l'affaire des caricatures du Prophète Mohamed (QSSL) à celle du discours de Ratisbonne. Trois mois après avoir fait descendre des milliers de musulmans dans la rue en tentant d'assimiler dans ce discours Islam et violence, le pape a prié le 30 novembre comme un musulman, bras croisés, en direction de La Mecque, dans la plus grande mosquée d'Istanbul. Cette prière « est encore plus significative qu'une excuse », a estimé le mufti d'Istanbul, Mustafa Cagrici, qui a partagé avec le pape ce moment exceptionnel. En accomplissant ce geste symbolique au troisième jour de son voyage en Turquie, Benoît XVI a apporté la preuve qu'il savait être un pape politique, comme son prédécesseur Jean-Paul II. Le 12 septembre, c'est avec une conférence théologique sur les rapports entre foi et raison qu'il avait mis le feu aux poudres en semblant reprendre à son compte les accusations de violence portées contre l'Islam. Tandis que les dignitaires musulmans accusaient Benoît XVI de ne rien connaître à l'Islam, les manifestations d'indignation se multipliaient en terre musulmane. Le pape a exprimé à plusieurs reprises ses regrets d'avoir été mal compris, notamment devant les ambassadeurs des pays musulmans qu'il a reçus le 25 septembre. La crise avait résonné comme en écho à celle des caricatures du Prophète Mohamed (QSSL), qui avait provoqué de fortes tensions internationales au début de l'année et fait ressurgir le spectre d'un choc des civilisations. L'affaire a pris une dimension mondiale en janvier 2006. Au Pakistan, en Iran, en Indonésie, en Libye ou encore au Nigeria, les dignitaires musulmans expriment leur indignation. Des milliers de manifestants descendent dans la rue et plusieurs dizaines d'entre eux sont tués. Plusieurs représentations diplomatiques du Danemark sont saccagées, comme à Damas et Beyrouth. Pour défendre la liberté d'expression et la liberté de critique, de nombreux journaux européens choisissent de reproduire l'ensemble ou partie des dessins de la colère. Face à la crise devenue mondiale, de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement, ainsi que le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, interviennent pour appeler à la modération. Le 20 février, le pape appelle à respecter les religions et leurs « symboles » et à éviter tout ce qui peut blesser les sentiments des croyants, tout en condamnant « l'intolérance et la violence », comme incompatibles avec les principes religieux.